J'avais donc là-dedans les photographies numérotées par ligne, numérotées par pièce, avec les indications que nous avons l’habitude de souligner pour que les recherches soient plus faciles. Je sortis donc mon rapport ; on s’empressa ; il y avait sept ou huit personnes dans le bureau de M. Puvbaraud et je déposai ma serviette sur la table à côté, table que je vois encore. Une fois qu’on eut connaissance de mon rapport, je repris ma serviette et je rentrai chez moi.
Comme, dans cette serviette, il n’y avait absolument pas d’autres pièces que celles que j’avais emportées à la Préfecture de police, je remis la serviette à sa place, et n’en ayant plus besoin que quinze jours après, j’y mis d’autres pièces, et... dans mon portefeuille, il n’y avait absolument rien!!
J’avais déposé ou j’étais censé avoir déposé — car c’est là ce que je ne puis me rappeler dans ce moment d’émotion et il y avait de quoi! — je ne puis me rappeler si j’ai déposé ces photographies à côté de mon rapport, si j’ai déposé mes photographies autre part; bref, j’ai toujours cru les avoir réellement déposées, et en voici la raison : c’est qu’en comparaissant devant le Conseil de guerre, j’indiquais, sur certaines pièces, trois points de repère, de façon à placer mes calques bien exactement dans la position qui convenait le mieux pour me faire comprendre. Or, quand je faisais ma déposition, je voyais que les membres du Conseil de guerre suivaient avec attention ce que je faisais; j’étais donc persuadé que mes pièces étaient bien celles que j’avais déposées.
Lorsque le 16 novembre, un lundi, jour de réception chez Mme Teyssonnières, à cinq heures du soir, je prends mon chapeau pour aller faire une course et je trouve..., non pas derrière la porte, mais bien sur ma table, sur ma table qui est dans le vestibule..., un paquet ficelé dans un journal avec une ficelle rose ; je vois : «Monsieur Teyssonnières» ; je prends ce paquet et, comme il faisait nuit ou presque nuit, je vais près de la fenêtre et je me dis : « Qu’est-ce que cela, des photographies ?... » J’allais abandonner le paquet et dire : « Je le verrai tout à l’heure », quand la curiosité fit que je l’ouvris et j’y retrouvais toutes les photographies qui avaient servi à mon rapport !
Cela n’a aucune importance, car j’ai demandé aux membres du Conseil de guerre comment il se faisait qu’ils avaient pu suivre mon rapport sans les pièces ; alors, on m’a expliqué qu’on avait suivi de point en point toutes mes indications et que cela n’avait fait aucune difficulté, qu’on n’avait pas réclamé les pièces parce que cela n’avait aucune importance. Voilà ce qu’on m’a répondu. Cela me troublait énormément.
Grâce à la très grande reconnaissance que je devais à M. Trarieux, — je l’ai toujours pris pour un homme d’excellent conseil, comme un homme tout à fait dévoué aux petites choses que je pouvais lui demander — c’est à lui que j’ai fait cette première confidence.
Comme il fallait faire une démonstration à M. Scheurer-