Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/470

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« D’où cela peut-il venir? c’est de la main des juifs, de la main des partisans de Dreyfus qui veulent me compromettre. »

Je lui répondis : « Ce sont peut-être aussi d’autres mains; car, enfin, il ne faut pas témérairement conclure, vous n’en savez rien. » Enfin, c’est quelqu’un, dans tous les cas, qui avait intérêt à se débarrasser de ce dossier, c’est incontestable. Si ce dossier avait été apporté chez M. Teyssonnières, c’est qu’il embarrassait quelqu’un qui voulait le mettre en d’autres mains, ou peut-être y avait-il dans cette communication une intention cachée qui m’échappe. Je me bornais à dire à M. Teyssonnières : « Ce qu’il y aurait à faire, c’est de ramener ce dossier à son gîte naturel, ou, si vous croyez ne pouvoir le faire, si vous craignez d’être compromis, c’est de le mettre en lieu sûr jusqu’à ce que vous ayiez découvert la personne qui a fait chez vous cette étrange communication, et jusqu’à ce que vous puissiez la signaler à la justice. »

M. Teyssonnières me dit : « En effet, je crois que c’est là ce qu’il y a de plus sage à faire. »

Est-ce le même jour ou plus tard? Je n’en sais rien; mais M. Teyssonnières me fit une communication qui me parut encore très inquiétante, pour lui, bien entendu, je ne dis pas contre lui... Il me raconta qu’il avait eu l’occasion d’aller dans les bureaux de la guerre pour demander je ne sais quel renseignement, et qu’il y avait été très mal reçu, et que même, l’officier auquel il s’adressa lui dit qu’il s’étonnait que M. Teyssonnières osât se représenter dans les bureaux de la guerre. M. Teyssonnières ne s’expliquait pas une pareille attitude vis-à-vis d’un expert qui avait, dans le procès Dreyfus, rempli son devoir de telle sorte qu’il avait reçu les félicitations de l’Etat-major après la condamnation.

Je ne me l’expliquai pas davantage ; je livre le fait aux interprétations. Peut-être, depuis cette époque, M. Tevssonnières est-il mieux renseigné que je ne puis l’être moi-même à cette heure ? car je ne l’ai plus revu depuis ; je n’eus plus l’occasion, en effet, de recevoir les visites de M. Teyssonnières depuis cette époque.

M. Teyssonnières. — Depuis le 19 juin 1897.

M. Trarieux. — Depuis le 19 juin 1897. Cependant, Messieurs, j’ai voulu le voir, et je dois, c’est par là que se termineront mes explications, je dois dire pourquoi et dans quelles circonstance.

Au mois de novembre dernier, au moment où cette affaire a pris naissance, ou un peu plus tard, — c’est peut-être au mois de décembre, au moment où une grande agitation existait déjà dans les esprits, — on est venu me dire que M. Teyssonnières était soupçonné, dans les régions gouvernementales, d'avoir communiqué au Matin le bordereau dont le Matin a donné le fac-similé en novembre 1896. Cette affirmation m’a été faite par plusieurs personnes touchant de très près au ministère.

Je crus le fait assez grave, Messieurs, pour que M. Tevsson-