Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/469

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Et maintenant, si vous voulez me permettre d’ajouter un mot, je vais compléter ma déposition. Gomme je savais que M. Scheurer-Kestner, qui est mon voisin au Sénat, et avec qui j’ai causé souvent de cette affaire, comme je savais que M. Scheurer-Kestner était à la poursuite de la vérité, j’eus la pensée, comme élément de contrôle, de faire passer sous ses yeux ces expertises qu’on venait de me montrer, et je demandai à M. Teyssonnières s’il pourrait fournir à mon collègue la même démonstration que celle qu’il m’avait faite à moi-même. M. Teysonnières voulut bien accepter; il prit rendez-vous avec M. Scheurer-Kestner. Je tins, je dois le dire, à rester étranger à leur entrevue, pour ne pas influencer par ma présence les impressions que pourrait recevoir mon collègue. Je crois que M. Scheurer-Kestner a reçu à deux reprises différentes M. Teyssonnières.

M. Scheurer-Kestner, la première fois, m’a-t-il dit, si j’ai bonne souvenance, fut assez impressionné des démonstrations de détail que lui apportait M. Teyssonnières; puis, la seconde fois, son impression fut définitivement fixée, mais en sens inverse. Les dissemblances le frappèrent comme elles m’avaient frappé moi-même. De telle sorte qu’il ne put pas admettre que M. Teyssonnières eut fait dans ce procès, comme il l’avait prétendu, la lumière et eût apporté la certitude. C’est tout au moins ce que m’a dit M. Scheurer-Kestner.

Voilà, Messieurs, tous mes rapports avec M. Teyssonnières, en ce qui concerne la communication de ses expertises! Cependant, Messieurs, il me reste encore à indiquer à MM. les jurés un autre détail qui peut avoir son importance, quoiqu’il soit d’une extrême obscurité.

A quelque temps de là — c’était au mois de juillet, je crois, quelque temps après cette communication de l'expertise — M. Teyssonnières vint me voir de nouveau; il me paraissait extrêmement troublé, et il me fit cette communication tout à fait étrange : il me dit que sa cuisinière ou sa femme de chambre, enfin une femme à son service avait trouvé...

M. Teyssonnières. — Voulez-vous me permettre de dire ce que je vous ai dit à ce moment-là ?...

M. le Président. — N’interrompez pas! laissez M. Trarieux s’expliquer, vous parlerez après.

M. Trarieux, au témoin. — Il vaut peut-être mieux que je continue ma déposition ; vous me rectifierez s’il y a lieu.

Vous m’avez dit qu’une femme à votre service avait trouvé, derrière la porte de votre appartement, le dossier Dreyfus, que vous ne saviez pas comment expliquer un pareil dépôt dans votre demeure. « Le dossier Dreyfus, dis-je, quel dossier? Un dossier qui devrait être au ministère de la guerre? » Je ne fus pas moins stupéfait que M. Teyssonnières. Je me demandais si la chose était possible. Mais M. Teyssonnières insista, et insista de telle façon, et en termes tellement sérieux, que je finis par me demander si ce n’était pas vrai. Alors il me dit :