Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/451

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paraison, on n’en trouverait pas sans alinéas ; mais ceci n’indique pas grand chose, d’autant plus que cette nomenclature de pièces ne peut comporter d’alinéas. » Enfin, nous discutâmes quelques minutes là- dessus, et c’est à ce moment-là que je remarquai que la conviction de M. Scheurer-Kestner n’était pas la même que celle qu’il avait eue lors de ma première visite, c’est-à -dire un mois auparavant. Je lui dis : « Mais il me semble que vous me faites des observations... Est-ce que vous ne seriez pas con- vaincu de la culpabilité de Dreyfus ? Il me répondit : « Je ne sais pas trop, je cherche... » et j’ai senti qu’il y avait une légère insinuation pour me faire comprendre que, peut-être, je pouvais avoir fait quelque erreur, sans qu’il me l’ait jamais dit, oh! il ne m’a jamais parlé de cela.

M. Scheurer-Kestner ajouta : « J’avais oublié de vous dire que, lorsque je quittai le Ministre de la guerre, je suis entré dans les bureaux et, qu’ayant demandé si quelqu’un avait connaissance du rapport de M. Teyssonnières, on m’avait répondu : « Ne nous parlez pas de cette canaille ; c’est un voleur, il n’y a que Bertilion qui ait fait condamner Dreyfus. » Je lui dis : « Je suis très étonné de cette opinion de l’Etat-major ; je ne crois pas qu’elle subsiste, car j’ai été réintégré dans mes fonctions, mon honneur est sauf… » Mais il ajouta : « Oui, oui, je sais, vous êtes un homme très honorable ; mais, enfin, ne vous êtes- vous pas trompé dans votre première expertise ? »

Je n’ai plus revu M. Scheurer-Kestner, je n’ai plus revu M. Trarieux, et ici se place une petite erreur que je suppose involontaire de la part de M. Trarieux et delà part de M. Scheurer-Kestner, car je ne puis pas ne pas savoir ce que je sais ; je suis dans la salle des témoins depuis six jours ; assurément je n’entends rien de ce qui se passe dans cette audience, mais enfin! — les journaux ont raconté, les uns disent que c’est la sténographie — je veux bien m’en rapporter à eux, et croire que c’est la vérité. Dans le cas où ce serait la vérité, M. Trarieux a dit qu’il n’avait eu connaissance de l’affaire qu’à la rentrée des Chambres, vers le mois d’octobre. Or. ici, il y a eu une erreur, puisque c’était le 19 juin, quatre mois avant, qu'il m avait envoyé à M. Scheurer-Kestner. M. Scheurer-Kestner lui-même a dit qu’il n’avait vu le Ministre de la guerre qu’au mois d’octobre ; c’est encore une erreur, puisqu’il m’en a parlé au mois de juin ou juillet, c’est-à -dire bien avant les vacances. Me Demange lui-même a dit qu’il n’en a eu connaissance que vers cette époque, fin octobre ou fin novembre ; mais il me semble qu’il en avait bien connaissance avant, puisqu’il avait fait des démarches auprès de M. le Ministre de la justice lui-même et auprès de M. Scheurer-Kestner, à qui il était allé plaider sa cause.

Je n’ai plus autre chose à dire sur M. Trarieux, ni d’autres rectifications. Pourtant, il y en a une : M. Trarieux est entré en plein dans la démonstration des experts, qui ne l’ont pas convaincu.