Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/448

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tercéder et de trouver les vrais motifs qui avaient pu servir de prétexte à ma radiation.

Malgré mes instances auprès de M. le Président, après des démarches personnelles auprès de tous les magistrats, non seulement de la Cour d’appel, mais aussi de la Cour de cassation, je n’ai pu obtenir aucune raison de ma radiation. J’adressai donc M. Descubes à M. Trarieux qui prit en mains cette cause. Après plusieurs convocations ou réunions entre M. le Ministre et M. le Président, je fus accusé d’avoir volé 2,000 francs aux banquiers Halphen-Dauphin dans une expertise pour laquelle j’avais été commis. M. Trarieux protesta et dit : « Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais je pourrais presque garantir l’honorabilité de M. Teyssonnières, ainsi que son honnêteté ; je lui ferai part de votre accusation. » Je produisis un mémoire autant que je pouvais le faire, avec les quelques indications de mon rapport, et dans ce mémoire, j’ai démontré que non seulement je n’avais pas volé les 2,000 francs...

M. le Président. — Mais ce n’est pas ce que l’on vous demande, cela!

M. Teyssonnières. — Pardon, monsieur le Président, cela a une importance capitale au point de vue de mes visites à M. Trarieux et à M. Scheurer-Kestner, parce que c’est cela qui les a motivées, c’est cela qui en a été le point de départ.

Il fut donc démontré qu’au lieu d’être un voleur, j’avais été volé de la somme de 600 francs par les clients, puisque mon état de frais avait été taxé à 1,750 francs et que je n’en avais reçu que 1,150.

En présence de ce fait, l’accusation portée contre moi devenait calomnieuse, tout au moins, puisque je me justifiais, non seulement par l’enquête faite, mais par l’attestation du juge d’instruction. On demanda ma réintégration, mais on ne put l’obtenir. Ce fut dans cette circonstance que M. le Président de la Cour d’appel, auquel M. Trarieux fit part de ma situation, indiqua qu’il me prendrait à la Cour comme expert. Je fus rendre visite, sur une lettre de M. Trarieux, à M. le premier Président de la Cour d’appel. Je partis ensuite pour Binic; je fus convoqué, dès mon arrivée, pour préter serment, et le lendemain, je prêtais serment, le 31 juillet 1895. Je fus donc réhabilité complètement, mais, depuis ce moment-là, je n’ai pas fait une seule expertise pour le Tribunal ni pour la Cour.

Dans cette circonstance, j’étais donc redevable à M. Trarieux, non seulement de ma vie, mais de mon honneur, qui m’est plus cher, lorsque, le 19 juin, je reçus une lettre de M. Trarieux, à peu près ainsi conçue... Je sais que je ne puis rien produire, mais j’affirme que j’ai toutes les lettres sur moi. Cette lettre était à peu près ainsi conçue: « Mon cher monsieur Teyssonnières... Un de mes amis, M. Scheurer-Kestner, et mon collègue, désirerait vous voir; je vous serais reconnaissant de vous rendre chez lui demain, si possible. »

Le lendemain étant un dimanche; ne voulant faire de con-