Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/430

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avez employé pour arriver au résultat que vous venez de nous dire? C’est bien cela, n’est-ce pas, maître Clemenceau? J’estime que vous voulez faire dire au témoin quel est son système pour arriver au résultat qu’il vient de nous indiquer?

Me Clémenceau. — Oui...

M. Bertillon. — C’est alors un cours théorique d’expertise en écritures que je devrais faire. J’ai publié, il y a quelques semaines, dans la Revue scientifique, deux articles sur ce sujet.

Me Clémenceau. — Nous les avons lus; mais précisément je n’y vois pas du tout ce que je demande; au contraire, j’y vois les expertises en écritures démolies de main de maître par le témoin, sans qu’il en reste rien, et M. Bertillon peut bien compter que je ferai connaître son opinion là-dessus à MM. les jurés. M. Bertillon a déjà "commencé à nous dire d’ailleurs avant-hier que les expertises toutes seules ne signifient rien et que cela pouvait tout au plus servir d’éléments d’appréciation. Mais je ne vois rien du système général qui a amené M. Bertillon à une démonstration mathématique; c’est ce que nous lui demandons.

M. Bertillon. — C’est un cas tout particulier. A la fin de l’article auquel vous faites allusion, je dis que seules les preuves matérielles peuvent amener à la vérité ou quelque chose dans ce genre-là. Ces preuves matérielles sont dans le dossier de 1894.

Me Labori. — Il ne faudrait pas d’équivoque. Moi, j’ai l’honneur de connaître le dossier de 1894, puisque je suis l’avocat de Mme Alfred Dreyfus, tutrice de Dreyfus. Je connais ce dossier ainsi que l’expertise de M. Bertillon; la copie en est là! (Me Labori montre son dossier :) Je ne dis rien de plus, mais il ne faudrait pas que M. Bertillon essayât de faire croire qu’il a jugé, comme un juge, sur des preuves matérielles qui touchaient le fond du débat. M. Bertillon donne à des pièces de comparaison la valeur de pièces à conviction. Je demande si les pièces qui lui ont été remises sont des pièces secrètes sur la trahison, des pièces d’espionnage, ou des pièces d’écritures dont il a tiré des conclusions complémentaires?

M. le Président. — Voulez-vous répondre ?

M. Bertillon. — Je ne saisis pas.

Me Labori. — Il faut que le témoin saisisse. La question est simple.

M. le Président. — Vous demandez si des pièces de comparaison sont pour le témoin des pièces à conviction?

Me Labori. — Oui.

Il s’agit de savoir si le témoin a été consulté comme expert. Lui a-t-on remis un bordereau et des pièces d’écriture sur lesquels il a fait ses conclusions, ou lui a-t-on remis autre chose, et lui a-t-on fait connaître les pièces les plus mystérieuses du dossier, même celles que l’avocat n’a pas connues?

M. Bertillon. — De quelle affaire s’agit-il ? (Murmures.)

Me Labori. — De l’affaire Dreyfus.