Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/412

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serait absolument égal, car, pour moi, la démonstration est faite.

Me Labori. — Je crois que M. Bertillon rendra grand service à tout le monde, et en particulier à la défense, en nous expliquant autant que possible ses moyens d’investigation.

En ce qui concerne les pièces elles-mêmes, je sais bien que nous allons éprouver les plus grandes difficultés pour les avoir. M. le Président, auprès duquel nous allons insister pour les obtenir, va être aussi ennuyé que nous-mêmes; ce sera encore une discussion! Sous la réserve de ces pièces, que la Cour ferait apporter, pourriez-vous nous expliquer quels sont les moyens à l’aide desquels vous arrivez à votre conviction? Avec la connaissance tout à fait spéciale que vous possédez de la graphologie, je suis convaincu que si vous dites: Voici comment je procède, voici comment j’arrive à mes conclusions, voilà comment je raisonne avec mes schémas, vous nous rendrez un grand service, et c’est ce que je vous demande très respectueusement.

M. Bertillon. — Je suis absolument résolu à ne rien dire, du moment que vous ne me fournirez pas les pièces de comparaison.

Me Clémenceau. — Il y aurait peut-être un moyen d’arranger tout cela. Si j’ai bien entendu, le témoin a dit tout à l’heure, en parlant de deux ou trois pièces, que ces pièces étaient de M. Mathieu Dreyfus? Oui, n’est-ce pas? Alors, est-il nécessaire d’avoir Les mêmes lettres? D’autres lettres de M. Mathieu Dreyfus permettraient-elles à M. Bertillon d’expliquer sa théorie?

M. Bertillon. — Oh, mais non!

Me Labori. — M. Bertillon vient de nous dire qu’il n’a aucune confiance dans les expertises d’écritures. Il est impossible que le témoin, dont la conviction est celle que la Cour voit, ne nous explique pas comment cette pièce peut avoir, dans son esprit, la portée qu’il indique: je lui demanderai donc de vouloir bien tout au moins nous indiquer, sur ce petit graphique, l’endroit où se trouverait la pièce dont il parle?

Je vois: arsenal, souterrains, forteresse, artillerie, des flèches, un cœur, etc., etc.

Je demanderai à M. Bertillon à quel endroit il faut mettre la pièce du buvard? Où sera-t-elle? Dans l'arsenal, dans la citadelle, aux buttes ou dans la tranchée?

M. Bertillon. — Je crois que l’affaire est assez sérieuse pour ne pas se livrer à des plaisanteries.

Me Clémenceau. — Comment, vous trouvez que la lecture de votre expertise constitue une plaisanterie?... Je suis sur que si c’était nous qui l’avions dit, on aurait crié bien haut que nous insultions le témoin.

Me Labori. — En ce qui me concerne, je demanderai simplement où il faut placer la pièce de conviction qui a été trouvée dans le buvard ?