Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/404

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de l’opinion de M. le Président. Il n’y a pas deux questions qui se posent dans les mêmes termes.

M. le Président. — Maître Labori, ce n’est pas l’opinion du Président, c’est l’opinion de la Cour.

Me  Labori. — Alors, je dis que je ne suis pas de l’opinion de la Cour...; mais je vois avec regret que la Cour a, sur des conclusions de la défense, une opinion avant d’avoir entendu ses explications orales. Je suis convaincu que la pensée de M. le Président dépasse la pensée de la Cour et sa propre pensée et je suis convaincu que si, dans mes paroles, quelque chose était de nature à modifier l’opinion de la Cour, la Cour se rendrait a la force de mon argumentation. Voilà pourquoi je continue.

Il est, en tous cas, un homme ici dont nous savons le talent et l’habileté de parole, c’est M. l’Avocat général; il nous a bien peu été donné de l’entendre jusqu’à présent, et, cependant, il semble qu’au moment où nous en sommes venus, il a vraiment le moyen d’intervenir utilement dans le débat!

M. l’Avocat général a été saisi d’une plainte par M. le Ministre de la guerre. Le droit!... Comme des juges, d’après ce qu’on a révélé aujourd’hui, n’ont pas craint, à un moment donné, de le violer.. Le droit!...il ne faut pas qu’il nous embarrasse à l’excès. Mais il s’agit de faits, il s’agit d’équité il s’agit de moralité, il s’agit de la moralité non pas seulement de M. Emile Zola mais de la moralité publique. Eh bien ! M. l’Avocat gênerai n’a qu un mot à dire à M. le Ministre de la guerre pour que le bordereau soit apporté ici.

J’ai déjà demandé diverses choses de cet ordre à M. l’Avocat général, je lui ai demandé d’intervenir auprès de M. le Ministre de la guerre pour faire délier M. le colonel Picquart du secret professionnel. Je lui demande aujourd’hui d’intervenir auprès de M. le Ministre de la guerre pour que le bordereau soit versé au débat; s’il ne l’est pas, nous discuterons devant MM. les jurés, la portée d’une telle attitude qui, déjà, j’en suis sur ne leur a pas échappé. Et, soyez-en bien sûrs, Messieurs tous ces incidents ne diminuent pas l’angoisse générale, tous ces incidents augmentent le nombre de ceux dont vous parlait tout a l’heure M. Jaurès et qui sentent qu’en réalité ce sont les libertés de ce pays qui sont en cause dans ce procès. Par conséquent, soyez tranquille, les incidents peuvent nous fatiguer les incidents peuvent nous épuiser, ils ne nous inquiètent pas parce que chaque jour, quoiqu’on fasse notre idée qui est la vérité en sort plus robuste et plus sure d’elle-même.

M. le Président. - Désirez-vous prendre des conclusions?

Me  Labori - Oui, monsieur le Président. Nous allons les déposer.

M. l’Avocat général. - Je m’excuse, Messieurs, de prendre la narole mais ce ne sera pas pour longtemps La défense me reproche de ne pas parler; il me semble que ce n’est pas lui faire une situation difficile, puisque les plaidoiries se succèdent à la barre... J’écoute, j’entends, j’en prends ma part et je conclurai,