Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/402

Cette page n’a pas encore été corrigée

M. le Président. — Du moment qu’il en a été rendu un, il est inutile d’en rendre deux.

Me  Clémenceau. — Voulez-vous, Monsieur le Président, me permettre une remarque? Si à la suite des conclusions que vient de déposer mon confrère Labori, la Cour rend un arrêt semblable au premier, sans le vouloir, elle va causer un grave préjudice à la défense. La Cour a laissé, en effet ou plutôt M. le Président a laissé M. le général de Pellieux parler de ces documents, que nous ne pouvons avoir, et dire que les photographies, que nous en possédons, ressemblaient au bordereau primitif comme un faux à un original.

Si l’on nous refuse la production du bordereau, j’aurai le droit de retenir ceci : c’est qu’à cette barre, un homme a pu venir, envers et contre tous les arrêts de la Cour, produire une affirmation défavorable à la défense et qu’on a refusé à la défense le moyen de répondre à cette affirmation. Ainsi, par suite d’une raison juridique, que je n’ai pas à discuter, il se sera trouvé que, dans cette affaire, les témoins auront pu venir à cette barre, à loisir, nous accuser. Mais, quand nous protestons, quand nous vous disons : Messieurs, on a affirmé telle chose, et vous avez un moyen d’établir que cette affirmation est inexacte, toujours une raison de droit interdit de recourir à ce moyen. Je vous demande donc, monsieur le Président, la permission, en terminant, de m’adresser à MM. les jurés et de leur dire : Messieurs les jurés, retenez des faits, car c’est seulement sur des faite que vous pourrez baser une opinion : retenez donc, que sans cesse des accusations se produisent à cette barre, que sans cesse, nous indiquons la manière de prouver l’exactitude ou le néant de ces accusations, et que jamais on ne veut recourir aux vérifications par nous offertes. De cela vous tirerez les conclusions qui naturellement en découlent.

M. le Président. — Vous savez que nous sommes dans une affaire absolument spéciale, qui tombe sous le coup de la loi de 1881. La loi exige que vous ayez en mains toutes les pièces; elle n’oblige en aucune façon l’accusation à vous donner des armes contre elle. C’est une législation spéciale, ce n’est pas le droit commun; nous sommes tenus, nous, en Cour d’assises, de faire respecter la loi ; nous l’avons fait respecter dans un arrêt qui a déjà été rendu.

Me  Clémenceau. — Monsieur le Président, vous avez dit que l’accusation n’avait pas à fournir des armes contre elle; cela veut dire que si l’accusation nous fournissait le bordereau, elle nous fournirait des armes contre elle... ?

M. le Président. — Je n’en sais rien.

Me  Clémenceau. — Voulez-vous me permettre ? Je croyais que M. l’Avocat général n’avait ici qu’un idéal : la vérité, et que, comme nous, il tiendrait à honneur d’apporter tous les documents utiles, même si ces documents devaient contredire ses prétentions ?

M. le Président. — M. l’Avocat général n’a que les termes