Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/400

Cette page n’a pas encore été corrigée

être discutée et contrôlée sans que l’original duclit bordereau soit produit et versé aux débats:

Attendu que, s’il n’était point fait droit sur ce point à la demande expresse des concluants, la défense se trouverait alors dans l’impossibilité de contrôler et de discuter la déposition d’un témoin, et que les droits de la défense seraient, par suite, considérablement lésés;

Par ces motifs :

Ordonner que l’original du bordereau attribué en 1894 à l’ex-capitaine Dreyfus et versé au dossier de l’affaire Esterhazy en 1898, sera versé aux débats.

J’ajoute, monsieur le Président, comme très bref commentaire aux conclusions que j’ai l’honneur de déposer, qu’il n’est pas possible que l’arrêt de la Cour qui a été rendu au début de ces audiences engage en quoi que ce soit la décision à intervenir. Je n’ai plus très présents à l’esprit les motifs de ce premier arrêt...

M. le Président. — Ce n’est pas du premier arrêt; c’est de l’arrêt qui rejette la production des dossiers Dreyfus et Esterhazy.

Me  Labori. — Parfaitement. Mais, si je ne me trompe, il s’agit d’un arrêt rendu pour ce motif que nous n’avons pas fait, en ce qui concerne ces pièces, les notifications nécessaires dans les termes voulus par la loi, parce que nous n’avions pas donné copie.

M. le Président. — C’est une des raisons.

Me  Labori. — Cela m’a paru, quant à moi, une des principales. En tout cas, cette raison a complètement disparu dans l’espèce spéciale qui nous occupe. Le bordereau a été communiqué en plus de vingt-cinq copies ou fac-similés sous toutes sortes de formes, notifiés, enregistrés, à M. le Procureur général; cette pièce, qui est une pièce déterminée, la Cour peut fort bien se la faire représenter. J’ajoute même que je n’ai pris des conclusions d’avance qu’à raison de l’indication que M. le Président avait bien voulu me fournir, qu’il n’userait pas de son pouvoir discrétionnaire pour faire mettre la pièce aux débats.

M. le Président. — Je n’ai pas qualité, en vertu de mon pouvoir discrétionnaire, pour faire produire une pièce dans une affaire qui a été jugée à huis clos.

Me  Labori. — Nous avons discuté tout cela... Mais alors je ne discute plus en droit et je me place au point de vue de la bonne foi, de la moralité, de l’équité.

Qu’est-ce que je veux donc faire? Je veux qu’il soit possible d’éclairer le jury, je veux qu’il soit possible de savoir exactement quel est celui de ces deux hommes, Me  Demange ou M. le général de Pellieux, qui a raison. Quand j’ai interrogé Me  Demange sur la question du bordereau, il a répondu, avec la grande intelligence et la grande loyauté qui lui sont habituelles, et aussi avec la fine et charmante ironie qu’il a mise dans sa déposition :