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M. le Président. — Non, non, Maître Demange, ne répondez pas!

Me  Clémenceau. — Permettez-moi de poser une question?

Monsieur le Président, je vous fais d'abord remarquer qu'un incident, qui a occupé un long moment de cette audience, avec M. le colonel Henry, a porté exclusivement sur l'affaire Dreyfus. Sous le bénéfice de cette observation, en vous faisant remarquer également qu’un très long et très vif incident a eu lieu tout à l’heure, à propos de faits qui s'étaient passés pendant le huis clos et de faits très secrets, puisqu’il s'agissait de la pièce secrète, je vous fais observer qu’on a pu parler de tout cela, et je vous demande de poser à Me  Demange la question suivante:

Me  Demange vient de nous dire, — et il n'a pas à s'expliquer autrement, a dit M. le Président — qu’il avait la certitude que le jugement n’avait pas été légalement rendu. Je lui demande s'il ne pourrait pas nous dire sur quoi il base cette certitude et, en particulier, voilà ma question: Si ce n’est pas parce qu'un juge du conseil de guerre l'a affirmé à M. Salles, qui la répété à Me  Demange?

Me  Demange. — Mais oui, parbleu! (Mouvements divers.)

M. le Président. — Maître Demange, vous n’avez pas la parole.

Me  Clémenceau. — Je vous demande, monsieur le Président, de poser la question.

M. le Président. — Non, non, je ne poserai pas La question. (Rires.)

Me  Labori. — Moi, monsieur le Président, j’ai une autre question à poser à Me  Demange.

Il a paru, il y a quelques jours, dans le journal le Matin, une interview de trois colonnes qui contient les choses les plus intéressantes et dont le plus grand nombre, qui sont à ma connaissance personnelle, sont parfaitement exactes. Sans demander à Me  Démange si l’interview a été prise chez lui, je lui demande de dire si les faits sont exacts?

Me  Demange. — D’abord il n’y a pas eu d’interview.

J’avais reçu une lettre d’un professeur de l'université, des Facultés de Paris, et une lettre de deux jeunes licenciés, qui parlaient au nom des étudiants, et il y a de cela plus d'un mois; ces deux lettres qui étaient signées, — elles étaient toutes deux très polies, — m’accusaient toutes les deux de manquer à mon devoir, et elles me disaient: « Vous savez, monsieur Demange, — (se tournant vers les défenseurs) ce que vous disiez tout à l’heure, — qu’il y a eu une illégalité commise, et pourquoi ne vous adressez-vous pas au Ministre de la justice?»

Me  Clémenceau. — C’est la pièce secrète?

Me  Demange. — Oui.

Me  Labori. — Communiquée aux juges en dehors de l'accusé et de son défenseur?