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M. le Président. — Vous nous avez dit hier vingt à trente fois.

Me Clémenceau. — C’est une erreur matérielle que je me permets de vous signaler; le témoin n’a jamais dit cela; c’est un autre témoin, le général de Pellieux, je crois.

M. le Président. — Je dis qu’un témoin, je ne me rappelle plus si c’est le général de Pellieux ou un autre, avait dit vingt ou trente fois, mettons dix ou quinze.

M. le colonel Picquart. — Je ne peux pas préciser.

M. le Président. — L’avez-vous reçu notamment en novembre 1896, c’est-à-dire entre son retour à Paris et votre départ?

M. le colonel Picquart. — Oui, Monsieur le Président, je me souviens très bien qu’il est venu une fois.

M. le Président. — C’est-à-dire entre le 7 et le 16 novembre?

M. le colonel Picquart. — Il faudrait limiter ceci entre le 9 et le 14, parce que le 8 était un dimanche, jour auquel je ne me rendais pas au ministère, et que le 14 est le jour où j’ai cessé mon service. Dans l’intervalle de ces deux dates, je l’ai reçu une fois; il est venu sans s’asseoir, autant que je m’en souviens, pour me dire : «Je suis rentré.» Il songeait à faire une démarche dont il m’a parlé. Je me vois le reconduisant à la porte — je crois qu’il ne s’était pas assis — et lui disant: «Je suis très occupé.» En effet, à ce moment-là venait de paraître le fac-similé du bordereau dans le Matin, et j’avais un tas de choses sur les bras.

M. le Président, au colonel Henry, rappelé à la barre. — Monsieur le colonel Henry, voulez-vous nous édifier plus complètement sur les circonstances dans lesquelles vous avez surpris l’entretien du colonel Picquart et de M. Leblois, à l’automne de 1896. Avez-vous vu le dossier secret et la pièce commençant par ces mots: «Cette canaille de D…»?

M. le colonel Henry. — Voici ma déposition au Conseil de guerre… Je vous demande la permission de m’appuyer sur la barre, je suis souffrant.

M. le Président. — Voulez-vous une chaise?

M. le colonel Henry. — Merci, comme ceci je suis très bien. C’était, je crois, dans le courant d’octobre, — je n’ai jamais pu préciser exactement, tout ce que je sais et que je me rappelle très bien, c’est qu’il y avait du feu dans la cheminée du bureau du colonel; le colonel était assis sur la jambe gauche, il avait la main, je crois, comme ceci...; à sa gauche était M. Leblois, et devant eux plusieurs dossiers sur le bureau, entre autres le dossier secret sur lequel j’avais écrit «dossier secret» et au verso duquel j’avais mis ma signature ou plutôt mon paraphe au crayon bleu dont j’ai parlé avant-hier. J’ai reconnu les mots «dossier secret». L’enveloppe était ouverte, et de l’enveloppe était sortie la pièce dont vous venez de parler…

M. le Président. — Sur laquelle il y avait: « Cette canaille de D…»?

M. le colonel Henry. — Parfaitement. Me rappeler exacte-