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et, pour vous montrer la liberté d’esprit qui a présidé à leurs délibérations, je déclare ici que l’un d’eux, vers la fin de la séance, a dit ceci, et j’admire son courage: «Je vois que le véritable accusé ici, c’est le colonel Picquart; je demande donc qu’il soit appelé à dire tout ce qu’il jugera nécessaire en outre de sa déposition.»

Voilà, messieurs, ce que j’avais à dire.

M. le Président, à Me Labori. — Quelle est la question que vous désirez faire poser ?

Me Labori. — Je voudrais demander à M. le colonel Picquart s’il peut nous dire quels sont les points à raison desquels il a été poursuivi devant un Conseil d’enquête ?

M. le Président. — Vous savez que tout ce qui se passe au Conseil d’enquête est secret?

Me Labori. — Eh bien! Monsieur le Président, c’est tellement secret, que voici la note de l’Agence Havas qui a été reproduite par tous les journaux — M. le colonel Picquart nous dira si elle est vraie — voici la note Havas qui a paru dans le Messager de Toulouse; c’est une note officieuse qui, je crois, a été reproduite dans d’autres iournaux:

Le Conseil avait à répondre à cette question : Le colonel Picquart a-t-il commis des fautes graves entraînant une mesure disciplinaire, question basée sur les faits suivants: 1° Communication à un avocat de deux dossiers d’affaires, étrangères à l’affaire Dreyfus ? Sur ce point, il a été exposé devant le Conseil d’enquête que l’avocat avait eu à s’occuper, en effet, de ces deux affaires, mais à titre d’avocat consultant, et qu’elles ont été traitées avec le lieutenant-colonel Picquart et le commandant Henry lui-même, au vu et au su de tout le monde;

2° Le second fait a rapport à la question posée au commandant Lauth par le colonel Picquart au sujet de la carte télégraphique adressée au commandant Esterhazy. Sur ce point, le colonel Picquart aurait fourni toutes les explications, donnant à la question son véritable caractère;

3° Le troisième fait se rapporte à la présence de Me Leblois dans le cabinet de M. Picquart. Cette présence n’a pu être constatée» Me Leblois n’étant pas à Paris à l’époque indiquée;

4° Le quatrième fait reproché au colonel Picquart porte sur la communication des lettres du général Gonse à Me Leblois. Cette communication a été confirmée.

Est-il exact que ces quatre faits aient été soumis au Conseil d’enquête?

M. le Président. — Non, nous n’avons pas à nous occuper de ce qui a pu être écrit dans la presse, mais de ce qui se dit dans cette enceinte. Or, je viens de vous dire que tout ce qui se passe dans un Conseil d’enquête est absolument secret; les témoins eux-mêmes sortent immédiatement de la salle après avoir fait leurs déclarations, et n’écoutent pas, n’entendent pas les déclarations des autres témoins; par conséquent, je ne peux pas de-