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moment. Je prie par conséquent la Cour d’ordonner que le premier de MM. les jurés supplémentaires prendra sa place.

M. le Président. — La défense n’a pas d’observations à faire?

Me  Labori. — Aucune.

M. le Président:

La Cour,

Considérant que le sieur Leblond, juré titulaire, justifie qu’il est dans un état de maladie qui le met dans l’impossibilité de remplir ses fonctions;

Le déclare excusé;

Dit qu’il cessera de siéger parmi les jurés de jugement, et ordonne que le sieur Jourde, juré supplémentaire, remplacera immédiatement ledit sieur Leblond, et qu’il sera passé outre aux débats.

CONFRONTATION

De M. le colonel Picquart avec M. le commandant Lauth.

M. le Président, à Me  Labori. — Vous avez, m’avez-vous dit hier soir, des questions à poser à M. le colonel Picquart?

Me  Labori. — Oui, monsieur le Président.

M. le Président, à l’huissier-audiencier. — Voulez-vous faire entrer M. le colonel Picquart? (à Me  Labori) Quelle est la question que vous voulez poser ?

M. le colonel Pigquart. — Pourrais-je faire une courte déclaration avant de commencer? J’ai deux mots à dire pour bien préciser l’esprit dans lequel j’ai fait ma déposition d’hier.

Je crois que l’expression employée par M. Zola, lorsqu’il a dit que des juges militaires avaient acquitté par ordre, a quelque peu dépassé sa pensée. Voici ce qui s’est passé (c’est ainsi du moins que je le comprends): M. le général de Pellieux, par respect pour la chose jugée, n’a pas cru devoir introduire dans son enquête la question du bordereau. M. le commandant Ravary, dont l’enquête a suivi celle du général de Pellieux, a été certainement influencé, peut-être sans s’en douter, par les conclusions de son chef. Il m’en a même donné une preuve — je puis le dire ici où on a dit bien des choses. — Comme je lui disais: «Les témoins ne sortiront de terre que lorsque vous aurez fait arrêter le commandant Esterhazy,» il m’a répondu: «Je ne puis pas le faire arrêter; mes chefs n’ont pas jugé à propos de le faire, et je ne vois pas que ce qui est entre mes mains, en ce moment-ci, soit de nature à changer cette résolution.»

Les juges du Conseil de guerre se sont trouvés en face d’une instruction qui était, à mon avis, incomplète. Devant les preuves qui leur ont été données, ils ont jugé suivant leur conscience,