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Or, M. le colonel Henry n’a rien dit de pareil, hier. On a fait venir M. Gribelin qui, lui, a vu le dossier non ouvert, et ensuite nous retrouvons le mélange des deux personnages, M. le colonelHenry et M. Gribelin, avec une autre version...

M. le Président. — Il serait préférable d’attendre le colonel Henry...

M. le commandant Ravary. — Il y a ici le greffier qui était avec moi et qui pourrait témoigner de la chose...

 Me Labori. — Il ne s’agit pas de savoir si c’est vrai ou pas vrai; je ne me permets de douter de la parole d’aucun témoin, mais j’ai le droit, quand je me trouve en face de membres du Parquet militaire, d’examiner la manière dont sont faits les documents officiels qui émanent d’eux; eh bien! je constate une singulière contradiction!

On attache aujourd’hui à la déposition de M. Gribelin une importance que nous voyons... M. le commandant Ravary n’attachait pas moins d’importance au fait Henry. Or, du fait Henry, on n’en a pas déposé: du fait Gribelin, on n’en a pas parlé; je demande à M. Ravary, aujourd’hui, de nous dire pourquoi cette singulière composition de son rapport sur ce point.

M. le commandant Ravary. — Les faits que je viens de relater tout à l’heure étaient suffisants pour montrer l’incorrection de la conduite du colonel Picquart dans cette affaire. (Bruyants murmures dans l'auditoire.)

 Me Labori. — Je prie MM. les jurés de retenir les paroles que M. Ravary a prononcées... et je veux dire en passant qu’on semble, dans cette affaire, avoir un peu trop, d’une manière générale, procédé de la sorte. Il s’agit de savoir ici, non pas si un fait est de nature à porter atteinte à l’honneur d’un homme, mais s’il est vrai. Or, quand j’arrive à montrer qu’il n’est pas vrai, M. Ravary me montre qu’il est déshonorant pour M. Picquart. Voilà toute la question.

M. le commandant Ravary. — Voulez-vous me permettre d’ajouter un mot. J’avais à faire le procès du commandant Esterhazy, et l’accusation portée contre lui était basée sur deux faits: sur une identité d’écriture et sur une carte-télégramme. Eh bien! la carte-télégramme, pour lui donner un caractère d’authenticité, il fallait au moins chercher les circonstances mystérieuses dans lesquelles elle avait été trouvée; il a fallu par conséquent m’enquérir auprès de tous les officiers d’Etat-major du bureau des renseignements, pour savoir quels avaient été les agissements de M. le colonel Picquart, et c’est ainsi que j’ai été amené à savoir la visite de M. Leblois à M. le colonel Picquart.

Me Labori. — Je crois que le témoin ne comprend pas, mais cela na pas d’importance. (Murmures.) Ce sont MM. les jurés qui doivent comprendre; les témoins, il suffit qu’ils soient de bonne foi et sincères.

Me Clemenceau. — Monsieur le Président, j’ai une question a poser sur l’incident. M. le colonel Picquart a dit qu’il avait pour M. Gribelin...