Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/327

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Me Labori. — Voici tout le passage... Voici d’abord la question que je posais à M. le commandant Lauth :

Me Labori. — Je désirerais savoir quelle est la portée exacte des paroles suivantes du commandant Lauth : «Je n’ai pas ainsi compris les choses, à ce moment-là.» Quelle est l’interprétation que donne M. le commandant Lauth? Est-ce l’interprétation de ces sentiments à ce moment-là, ou celle d’aujourd’hui?

M. le commandant Lauth. — A ce moment, j’ai refusé absolument et d une voix si haute que le bruit de mon refus a passé à travers les murs et qu'au moment où je suis sorti du bureau du colonel deux de mes camarades m’ont demandé : «Qu’y a-t-il, vous venez de vous disputer?» Je leur répétai ce qui venait de se passer.

Me Labori. — Je voudrais arriver à une grande précision dans la réponse M. le commandant Lauth a dit: «à ce moment-là». Je lui demande quelle a été son interprétation à ce moment-là et si elle était la même que celle d'aujourd’hui. Je lui demande enfin si l’interprétation qu'il nous a faite dans sa réponse est celle d’aujourd’hui ou celle d alors ?

M. le commandant Lauth. — A ce moment-là, le colonel Picquart voulait me raire certifier que cette écriture, que je ne connaissais pas, était celle d'une personne dont, lui, il connaissait fort bien l’écriture et pour laquelle il ne pouvait pas avoir le moindre doute; car ces deux écritures n’étaient pas du tout semblables, ni comparables. Je n'ai pas insisté parce que lui-même n’a pas insisté, et, devant mon relus, l'incident a été clos, et nous nous sommes séparés ainsi. Je n'avais pas à en rendre compte à mes chefs; je n’en ai rendu compte que lorsqu'on m'a interrogé au moment des enquêtes à propos du commandant Esterhazy.

Il en résulte donc, et la déposition de M. le commandant Lauth a été très nette à cet égard, qu’il accusait M. le colonel Picquart d'avoir connu l’écriture du petit bleu et d’avoir exigé que M. le commandant Lauth certifiât que cette écriture était d'une autre personne, ce qui était inexact. Cela constituerait manifestement une opération frauduleuse, la pression d'un chef sur un subordonné pour arriver à ce qu’il certifiât comme exact un fait faux. Je pose la question à M. le colonel Picquart.

M. le colonel Picquart. — C’est absolument inexact. Je m'élève de la façon la plus formelle là contre; il n’y a qu’à relire quelle a été ma demande au commandant Lauth. Je lui ai dit: «Vous serez là pour témoigner de qui cela vient; vous savez que c'est d’un tel...» Et il me répondit: «Oh! non... je vous assure en mon âme et conscience que je n’ai pas cette écriture dans la tête, absolument pas.»

Me Labori, au Président qui parait vouloir interroger M le colonel Picquart. — Le témoin n’a-t-il pas encore quelque chose a dire ?

M. le colonel Picquart. — Je dis ceci: sur quoi se base l'interprétation du commandant Lauth?