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paraître les traces sur l’original. L’original n’a jamais été modifié; une fois collé, on n’y a plus touché. Ce n’est que sur les photographies que je désirais faire disparaître ces traces de collage qui étaient très nombreuses et rendaient l’épreuve peu claire; et puis, il y avait aussi cette raison que je ne voulais pas que tout le monde sût d’où, par quelle voie, il nous était arrivé.

Me Labori. — En 1894, — ou plutôt ne nous reportons pas à cette affaire qui pourrait soulever des susceptibilités; — mais, d’une manière générale, est-ce qu’on estime au ministère de la guerre que, quand on poursuit un accusé, on ne doit pas soumettre à ses juges l’original de la pièce pour laquelle on le poursuit ?

M. le colonel Picquart. — Si.

Me Labori. — C’est donc incontestablement l’original qu’on soumet aux juges ?

M. le colonel Picquart. — Oui.

Me Labori. — Par conséquent, si les juges avaient eu à statuer, à ce moment-là, sur la culpabilité éventuelle de M. le commandant Esterhazy, c’est l’original du petit bleu qui leur aurait été remis ?

M. le colonel Picquart. — Certainement.

Me Labori. — Alors, quelle peut avoir été la portée des accusations dirigées contre M. le colonel Picquart au point de vue des retouches faites sur la photographie ?

M. le colonel Picquart. — Je ne l’ai pas comprise.

Me Labori. — Est-ce que M. le colonel Picquart connaît le rapport Ravary ?

M. le colonel Picquart. — Je le connais.

Me Labori. — Est-ce que M. le colonel Picquart a vu le document qu’on appelle le document libérateur?

M. le colonel Picquart. — Le général de Pellieux me l’a montré.

Me Labori. — Est-ce que M. le colonel Picquart connaissait le document antérieurement ?

M. le colonel Picquart. — Oui.

Me Labori. — Est-ce que ce document faisait partie du dossier secret ?

M. le colonel Picquart. — Ce document, c’est celui que le colonel Henry prétend avoir vu sur ma table, et vous voyez le lien qu’on met entre la disparition du document libérateur et la visite de Me Leblois dans mon bureau!

Me Labori. — Mais ce document n’est-il pas la copie de celui auquel il a été fait allusion dans l'Eclair du 15 septembre 1896 ?

M. le colonel Picquart. — Je viens de répondre, puisque c’est la pièce où se trouvent ces mots : « Cette canaille de D... »

Me Labori. — A ce moment, M. le colonel Picquart a été ému de la publication, il nous en a parlé dans sa déposition ; n’a-t-il pas demandé une enquête ?