M. le colonel Picquart. — Oui. Il y a bien un officier qui est venu à Marseille ; mais, comme j’avais débarqué avant qu’il ne me rejoignit, il n’est parvenu à me retrouver que dans mon compartiment, au moment où le train allait partir. Je n’avais pas été reconnu ; il m’a fait reconnaître : voilà tout le résultat auquel il est arrivé. (Rires.)
Me Labori. — Est ce que la correspondance de M. le colonel Picquart n’a pas été saisie avant son arrivée à Paris ?
M. le colonel Picquart. — Elle a été saisie dans la période du 7 au 14 novembre, et il n’a passé que la lettre Esterhazy et la lettre anonyme dont je vous ai parlé, mais que je n’ai plus.
Me Labori. — Qu’est devenu le reste ?
M. le colonel Picquart. — Le reste ? il manque à peu près quatre lettres.
Me Labori. — Est-ce que ces quatre lettres étaient toutes fermées de la même manière que celle qui était indiquée tout à l’heure dans la déposition du témoin ?
M. le colonel Picquart. — Il y en avait deux fermées de cette façon-là, deux de la façon ordinaire.
Me Labori. — Mais est-ce qu’elles ont été saisies en vertu d’une saisie régulière ?
M. le colonel Picquart. — Elles ont disparu.
Me Labori. — Est-ce que M. le colonel Picquart est en mesure de prouver que ces lettres ont bien été écrites ?
M. le colonel Picquart. — Oui.
Me Labori. — Est-ce que M. le colonel Picquart en a parlé soit à ses chefs, soit à l’instruction ?
M. le colonel Picquart. — J’ai fait une réclamation au directeur des postes et télégraphes de Tunis, le 12 décembre. Il n’a pas répondu à ma première lettre. Dans ma seconde lettre, je l’ai mis en demeure de répondre. Il m’a dit qu’une enquête avait été ouverte, qu’elle n’avait donné aucun résultat.
Me Labori. — M. le colonel Picquart...
M. le Président, à Me Labori. — Vous n’avez pas terminé ?
Me Labori. — Oh non ! monsieur le Président.
(Au témoin) : M. le colonel Picquart nous a bien dit qu'à son avis le commandant Esterhazy avait été prévenu de l’enquête qui avait été faite sur son compte ?
M. le colonel Picquart. — Oui, il a été prévenu au moins par la lettre anonyme qui disait que M. Gastelin allait dénoncer à la tribune Weil et lui comme complices de Dreyfus.
Me Labori. — A ce moment, vous étiez chef du service des renseignements ?
M. le colonel Picquart. — Parfaitement.
Me Labori. — Vous n’aviez rien communiqué à M. Leblois ?
M. le colonel Picquart. — Oh ! je n’ai rien communiqué à M. Leblois qu'en juin, à propos de la lettre que j’avais reçue...
Me Labori. — En juin 1897 ?
M. le colonel Picquart. — Parfaitement.