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Me Labori. — Est-ce que, antérieurement, le ministère de la guerre n’avait pas été sollicité par M. le colonel Picquart de faire une enquête ?

M. le colonel Picquart — J’avais demandé au commandant Ravary, à différentes reprises, d’entendre Souffrain qui, d’après les renseignements à moi donnés par le général de Pellieux, serait l’auteur du télégramme Speranza. Le commandant Ravary m’a toujours opposé une fin de non-recevoir.

A la dernière séance que j’ai eue avec lui, j’ai dit : « Il faut absolument que cette question reçoive une solution ; je trouve qu’il serait nécessaire d’approfondir la question avant de traduire le commandant Esterhazy devant le Conseil de guerre, et si vous ne voulez absolument pas l’éclaircir, je vais m’adresser à la justice civile ». Il m’a dit : « Je n’y vois aucun inconvénient. »

Me Labori. — M. le colonel Picquart nous a parlé d’une mission dont il aurait été chargé, pour laquelle il aurait été envoyé en Tunisie après avoir parcouru une partie de la France, au mois de novembre 1896. Cette mission était-elle importante ?

M. le colonel Picquart. — Elle n’était pas indispensable, je crois.

Me Labori. — Il n’est pas indispensable de répondre sur ce point, dites-vous ?

M. le colonel Picquart. — Non. Je dis que la mission n’était pas indispensable, je crois. Je ne me permettais pas de juger mes chefs à ce point de vue-là ; mais enfin, à part moi, je trouve qu’il n’était pas indispensable d’envoyer quelqu’un.

Me Labori. — En tout cas, est-ce que M. le colonel Picquart lui-même a toujours très bien compris l’objet de sa mission ?

M. le colonel Picquart. — Non, j’ai mis un peu de bonne volonté pour comprendre....

Me Labori. — On n’a pas entendu.

M. le colonel Picquart. — J’y ai mis un peu de bonne volonté.

Me Labori. — Vous avez mis un peu de bonne volonté à vouloir comprendre l’objet de votre mission.

Est-ce que, cependant, cette mission ne vous a pas toujours été présentée comme ayant un caractère d’urgence et de gravité tel qu’on ne vous a pas permis de faire à Paris les voyages mêmes qui pouvaient vous être indispensables ou utiles ?

M. le colonel Picquart. — On ne s’est pas expliqué d’une façon très nette à mon égard sur ce point ; mais d’après l’ensemble de la situation, je crois que ma présence à Paris n’était pas souhaitée.

Me Labori. — Et pourquoi M. le colonel Picquart croit-il que sa présence à Paris n’était pas souhaitée ?

M. le colonel Picquart. — Je n’en sais rien.

Me Labori. — Je demande pardon si j’insiste, mais je demande au colonel s’il n’en sait rien ou bien s’il n’en veut rien dire ?