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n’était pas l’auteur du bordereau qui nous préoccupe, est-ce qu’à aucun moment ses chefs lui ont dit : « Arrêtez-vous, il y a des preuves certaines qui établissent que le commandant Esterhazy ne peut pas être l’auteur du bordereau ? »

M. le colonel Picquart. — Je demande à réentendre la question.

Me Labori. — C’est à peu près la même que celle précédemment posée. Je reprends pour suivre l’enchaînement des idées.

Existe-t -il au ministère — voilà la première question — un dossier secret ou non secret qui rende ou qui ait pu rendre impossible la culpabilité du commandant Esterhazy ?

M. le colonel Picquart a dit que non, qu’à sa connaissance il n’y en avait pas.

Je dis maintenant : Quand M. le colonel Picquart a parlé à ses chefs de la culpabilité possible de M. le commandant Esterhazy — et je vais poser une première question, qui doit conduire à une seconde, — leur a-t-il dit, qu’à son sentiment, M. le commandant Esterhazy pourrait être considéré comme coupable du crime imputé à Dreyfus, à raison de ce qu’il serait l’auteur du bordereau ? Lui a-t-on dit à ce moment là, en dehors de l’examen des écritures, qui est une question sujette à discussion, lui a-t-on dit : « Il existe des impossibilités résultant de dossiers ou de pièces qui établissent que le commandant Esterhazy ne peut pas être l’auteur du bordereau et ne peut pas être coupable ? » Lui a-t-on dit cela ?

M. le colonel Picquart. — Non, on ne me l'a jamais dit.

Me Labori. — M. le colonel Picquart pourrait-il nous dire à quoi il attribue les nombreuses et complexes machinations dont il a fait le récit à MM. les jurés et dont il a été la victime ?

M. le colonel Picquart. — Je pourrai répondre d’une façon plus précise quand l’instruction de M. Bertulus sera terminée. Dès à présent, je crois que ces machinations ont eu pour but d’empêcher d’établir la culpabilité d’Esterhazy.

Me Labori. — Ainsi, la réponse de M. le colonel Picquart est celle-ci, c’est que ces machinations ont eu pour but démettre un obstacle à la démonstration de la culpabilité de M. le commandant Esterhazy.

Est-ce qu’il estime, en conséquence, que la main de M. le commandant Esterhazy, d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, est intervenue dans les machinations dont il a parlé ?

M. le colonel Picquart. — Oui.

M. le Président. — Vous le pensez simplement.

M. le colonel Picquart. — Je le pense.

Me Labori. — Estime-t -il que ces machinations émanent de M. le commandant Esterhazy tout seul ou qu’il a eu des complices ?

M. le colonel Picquart. — J’estime qu’il a eu des complices.