Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/300

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trop tard Dour que cela fût utile. J’ai eu un peu de prévoyance ; cela a suscité des méfiances, je ne sais pas pourquoi.

On m’a reproché ensuite d’avoir voulu faire dire que l’écriture de la carte-télégramme était d’une personne déterminée. Le fait s’est passé d’une façon bien simple ; j’examinais ce document avec le capitaine Lauth ; le capitaine me dit : « Mais ce document n’a aucun signe d’authenticité ; il faudrait qu’il eut une date, un cachet de poste. » Là-dessus, je lui dis : « Mais vous pourriez bien témoigner, vous, d’où il vient, vous savez bien de quelle écriture 11 est. » Il me répondit : « Oh ! non, jamais ; je ne connais pas cette écriture. » Remarquez que la chose s’est passée exactement comme cela, qu’il n’y a pas eu un mot de plus ou de moins, et je crois que la déposition du commandant Lauth n’a pas dû être différente delà mienne a cet égard. Cet officier n’a attaché au moment même aucun caractère douteux à ma question. La preuve, c’est- que nous sommes restés dans les meilleurs termes ; la preuve, c est qu’il m’a reçu ensuite à sa table, chose qui ne se fait pas d’habitude entre un inférieur et un supérieur ; en un mot, nous étions restés dans les meilleurs termes.

Or, si j’avais voulu le suborner, lui imposer une opinion qui n’était pas la sienne, j’aurais commis une action qui ne m’eut pas permis de rester en relations de camaraderie avec lui. Plus tard, lorsque cette carte-télégramme m’a conduit au bordereau Dreyfus, les choses se sont gâtées ; on a ramassé tous ces petits faits, et on s’en est servi contre moi en les dénaturant.

Du reste, il y a une chose qui montre très bien comment on peut se servir des faits les plus petits, les plus simples, quand on veut perdre quelqu’un ; — il n’y a qu’à lire le rapport de M. d’Ormescheville et on voit combien, en ramassant des choses insignifiantes, on arrive à porter des accusations graves. Il y a une autre chose qui m’a été reprochée, bien qu’elle ne soit pas mentionnée au rapport de M. Ravary, c’est d’avoir voulu faire mettre le cachet de la poste sur le petit bleu. Jamais de la vie je n’ai eu une intention pareille ; d’ailleurs, je crois que la chose est encore de la même espèce que cette affaire de subornation. Dans la déposition écrite du commandant Lauth, qui m’est assez présente à la mémoire, puisque je l’ai entendu lire dernièrement, cet officier affirme m’avoir dit en parlant du petit bleu : « Cette pièce n’a aucun caractère d’authenticité ; il faudrait une date ou le cachet de la poste. » Il est probable que ce mot a été répété, dénaturé, et qu’on est parti de là pour dire que j’avais voulu faire apposer le cachet de la poste.

Dans le rapport Ravary, il y a encore une chose qui est importante : il y est dit que le commandant Henry, entrant chez moi, dans mon bureau, m’a trouvé en tête-à -tête avec M. Leblois, et qu’il y avait entre nous un dossier secret d’où sortait une pièce photographiée, où était écrit : « Cette canaille de D...» Déjà le général de Pellieux m’avait parlé de cela, mais il