Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée

double enveloppe et gommer fortement l’enveloppe intérieure sur toute sa surface, de sorte que, quand on ouvre les lettres, il n’v a plus moyen de les recacheter, on est obligé de les garder. Eh bien ! c’est ce qui m’est arrivé ; il y a deux lettres de mon beau-frère qui ne me sont jamais parvenues ; elles avaient été fermées de cette façon-là. Je ne recevais pas de lettres de ma famille, ni de mes amis, mais j’ai reçu une lettre anonyme. J’ai brûlé la lettre, cependant j’en ai gardé le contenu dans la mémoire ; elle était adressée à M. Piquart (sans c), à Tunis ; l’adresse seule était en écriture cursive, la lettre elle-même était en caractères d’imprimerie. Cette lettre ne m’est arrivée que le mardi 16, les autres m’étant arrivées le vendredi 11. Elle était ainsi conçue : « A craindra toute l’œuvre découverte, retirez-vous doucement, n'écrivez rien. »

Comme il est bon d’examiner toujours tous les détails des choses, j’ai regardé le timbre de la poste, et j’ai vu que cette lettre avait été mise à la poste le 10, c’est-à-dire le même jour que les télégrammes, place de la Bourse. Or, a mon arrivée à Paris, j’ai parcouru les journaux, et j ai vu dans un journal, — je ne sais plus si c’est le Jour ou un autre, enfin j ai vu dans un journal ami d’Esterhazy — que, dans une perquisition faite chez moi, on avait pris une lettre mise à la poste à la place de la Bourse. Je vous donne cela pour ce que ça vaut ; néanmoins, je crois qu’il y a là une indication.

Vers la même date, j’ai eu à répondre à de nouvelles questions On m’a demandé si je n’avais pas communiqué des pièces de mon service à des personnes étrangères à l'armée. J'ai indiqué ce que j’avais communiqué à M. Leblois, c'est-à-dire qu’à la réception d’une lettre de menaces de telle date, j'avais remis à l’avocat, chargé de ma défense, un certain nombre de lettres du général Gonse.

Je passe maintenant à mon arrivée à Paris. Lorsque je suis arrivé à Paris, j’avais été obligé de donner ma parole d'honneur de ne voir personne avant le général de Pellieux ; je n'ai eu le droit de voir M. Leblois qu’après l’enquête du gênerai de Pellieux.

je dois dire qu’indépendamment de la suppression de mes lettres, j’ai été sous la surveillance très directe de la police pendant toute la semaine qui a suivi mon arrivée à Paris. Ce n’était pas le fait du général de Pellieux, il me l'a dit ; je ne sais pas qui me faisait surveiller, mais, enfin, j'avais toujours deux estafiers derrière moi.

En arrivant devant le général de Pellieux, — il y a bien d’abord l’histoire de ma perquisition, mais j'y reviendrai tout à l'heure — en arrivant devant le général de Pellieux il m'a fait connaître qu’il allait m’entendre au sujet de l'affaire Esterhazy. Effectivement, il m’a entendu pendant toute une après-midi sur cette affaire. Je lui ai fait l’exposé que je viens de faire devant vous ; la séance a été lourde.

Il y a eu deux autres séances ; mais, dans celles-là, il n a plus