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ait l’apparence d’un neuf, cela ôterait toute valeur à ce document, pour une bonne raison. En effet, comment certifierez-vous, avec son écriture, sa provenance ? » Alors il me dit : « Vous serez là pour certifier que c’est l’écriture de telle personne. »

C’est à ce moment-là que je me suis écrié, tellement haut que deux de mes camarades’ m’ont entendu dans la pièce à côté : « Jamais de la vie, je ne certifierai rien du tout ! Cette écriture, je ne la connais pas, elle est contrefaite et je n’ai jamais eu entre les mains de spécimens de cette écriture ; par conséquent, je ne puis pas certifier qu’elle répond à l’écriture de telle ou telle personne. »

M. le Président. — Vous étiez aux bureaux de l’état-major ?

M. le commandant Lauth. — J’étais sous les ordres du colonel Picquart.

M. le Président. — Maître Labori, quel témoin voulez-vous faire entendre ?

Me Labori. — M. le colonel Picquart.

M. le Président, à l’huissier audiencier . — Faites venir le colonel Picquart.

(Le colonel Picquart se présente à la barre.)

DEPOSITION DE
M. LE LIEUTENANT-COLONEL PICQUART

(Le témoin prête serment.)

Me Labori. — Monsieur le Président, voulez-vous demander à M. le colonel Picquart ce qu’il sait d’une manière générale sur l’affaire Esterhazy, quelle en a été la genèse, comment il s’en est occupé au début, et comment il a été amené à cesser de s’en occuper, puis à s’en mêler de nouveau au cours de l’automne de l’année 1897 ?

M. le Président. — Témoin, vous venez d’entendre les différentes questions qui ont été posées, voulez-vous y répondre ?

M. le colonel Picquart. — Au commencement du mois de mai 1896, les fragments d’une carte-télégramme sont tombés entre mes mains ; ces fragments ont été recollés et réunis par un officier de mon service, le commandant Lauth, qui était alors capitaine. Lorsqu’il eut fait cette opération, il vint m'apporter cette carte-télégramme, qui était adressée au commandant Esterhazy. Je ne me rappelle plus d’une façon très précise quels étaient les termes de cette carte, mais tout semblait indiquer que, entre la personne qui avait écrit la carte et le commandant Esterhazy, il existait des relations d’une nature plutôt louche Avant de soumettre à mes chefs cette carte, qui constituait, non pas une preuve contre le commandant Esterhazy, mais une présomption, étant donné le lieu