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M. Esterhazy étant démontrée, puisqu’il l’avait renvoyée lui-même au ministère de la guerre, on pouvait se demander quel était le véritable auteur de la communication ; c’était assurément un personnage assez puissant pour avoir eu à sa disposition cette pièce secrète, et assez audacieux pour l’adresser à M. Esterhazy alors que cette même pièce était restée inconnue de l’accusé Dreyfus et de son défenseur.

Aucune recherche n’a été faite sur ce point, et je considère que cela est très étonnant.

En lisant le compte rendu d’une instruction aussi incomplète dans le rapport de M. le commandant Ravary, je comprends et je partage les sentiments qui ont agité M. Zola. — Il les a traduits sous une forme peut-être violente que je n’ai pas à apprécier, mais je l’excuse, car il a pu croire, comme beaucoup d’autres, qu’on avait voulu renseigner incomplètement le Conseil de guerre qui devait juger M. Esterhazy.

Ce que je dis, Messieurs, je ne le dis pas pour porter atteinte à la chose jugée par ce Conseil. Je respecte la décision qu'il a rendue, et je ne déplore pas l’acquittement de M. le commandant Esterhazy, — je me féliciterai toujours de voir un officier de notre armée déclaré non coupable du crime de trahison, — son acquittement est définitif, mais on peut regretter que la lumière n’ait point été faite sur certains points et que l’instruction ait été aussi incomplète.

Voilà ce que j’avais à dire en ce qui touche l’affaire de M. Esterhazy. Me sera-t-il permis d’ajouter quelques mots sur la bonne foi de M. Zola relativement à l’affaire Dreyfus ?

M. le Président. — Non, je ne puis vous laisser parler sur cette affaire.

M. Thévenet. — Je croyais que M. Zola était amené ici comme ayant dit que le deuxième Conseil de guerre avait couvert une illégalité commise par le premier Conseil de guerre :

M. le Président. — La Cour a tranché la question.

M. Thévenet. — Je m’incline, monsieur le Président.

Me Labori. — Je voudrais alors simplement demander à M. Thévenet de vouloir bien nous dire ce qu’il pense de la bonne foi de M. Emile Zola en ce qui concerne le passage suivant, qui est visé par M. le Procureur général dans sa citation :

J’accuse le second Conseil de guerre d’avoir couvert cette illégalité par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable.

En considérant ce paragraphe de l’article qui amène ici M. Zola, je demande à M. Thévenet son opinion sur la bonne foi de M. Emile Zola.

M. Thévenet — Le mot d’illégalité en effet, été prononcé. On a dit qu’un dossier secret avait été communiqué, pendant la délibération, au Conseil de guerre qui avait condamné Dreyfus. On a affirmé que ni l’accusé, ni son défenseur, Me Démange, n’avaient connu une seule des pièces de ce dossier.