Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/246

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Je demandais à M. Leblois si ce dossier existait , il me répondit : oui.

Je le répète, le colonel Picquart a dit à M. Leblois qu’il existait au ministère de la guerre un dossier dans lequel se trouvait une pièce qui accusait formellement le commandant Esterhazy de trahison ; je mets au défi qu’on me démente ! Voilà la communication du dossier secret ; elle est prouvée, elle est patente.

Maintenant, je peux m’expliquer sur les lettres du général Gonse. Ces lettres n’ont aucunement trait à l’affaire Dreyfus, elles s’appliquent exclusivement à l’affaire Esterhazy. Le général Gonse recommande à son subordonné la plus grande prudence, il lui dit qu’il ne veut pas l’arrêter dans son enquête, naturellement, — jamais on n’a arrêté une enquête commencée, — mais il lui dit en même temps qu’il se garde de prendre des mesures irréparables ; ces mesures consistaient, pour le colonel Picquart, à faire arrêter immédiatement le commandant Esterhazy.

J’avais un compte-rendu à fournir ; je l’ai fourni au gouverneur militaire de Paris, et je puis vous dire quelles étaient mes conclusions. Je disais : contre le commandant Esterhazy, aucune preuve, mais, contre le colonel Picquart, une faute grave relevée, au point de vue militaire — je faisais une enquête militaire. — Le colonel Picquart a mis entre les mains d’un tiers des pièces, des lettres de ses chefs ayant trait uniquement au service militaire, faute militaire grave ! Il a donné connaissance de renseignements secrets du ministère de la guerre à M. Leblois. A mon avis, il doit être frappé. Mais je demandai, ainsi que M. Scheurer-Kestner le demandait, que le colonel Picquart fût entendu et qu’il pût venir se défendre. Voilà les conclusions de mon premier rapport.

A la suite de l’envoi du premier rapport, il paraît qu’il y avait eu erreur ou confusion et que l’intention du Ministre était que l’enquête que je devais faire fût une enquête judiciaire. Le gouverneur ne l’avait pas compris ainsi, ni moi non plus.

Le 16... Non !... les dates ne sont pas bien présentes à ma mémoire.., le 21 novembre — mon rapport a été remis le 20 — le 21 novembre donc, j’ai reçu l’ordre de commencer une enquête comme officier de police judiciaire, et j’ai pris à cette date le commandement de la place de Paris, qui m’investissait de cette qualité.

Je commençai immédiatement cette enquête, mais dans des conditions différentes, c’est-à-dire que je pris avec moi un greffier et que j’agis comme magistrat.

Ma première opération était alors de convoquer l’accusé et de lui donner connaissance des charges qui pesaient sur lui. Mais, avant, je fis faire une perquisition chez le colonel Picquart.

J’ai été très vivement attaqué pour cette perquisition. Je dois dire que c’était mon droit absolu ; j’étais à ce moment officier de