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vous connaissez l’arrêt de la Cour. Je m’incline devant cet arrêt et devant les dispositions de la loi qui m’en font un devoir absolu, et, je vous le répète, il ne sera pas question ici de tout ce qui touchera à l’affaire Dreyfus.

Vous me parlez de ce que le général Mercier a dit hier. Permettez-moi d’ajouter que si le général l’a dit, c’est que je n’ai même pas eu le temps de l’arrêter. (Rumeurs.) Il l’a dit trop vite, sans quoi je l’aurais empêché ; que cela reste entendu.

Me Labori. — C’est entendu, mais je parle en ce moment aux jurés ; je ne m’occupe en ce moment que des paroles de M. le général Mercier, dont certaines personnes essaient de tirer un parti abusif.

M. Zola. — Dans la presse.

Me Labori. — Comme nous n’avons pas le droit de discuter et de répondre, il ne me reste rien à faire ; je m’incline devant l’interdiction que M. le Président a faite à la déposition de M. Trarieux sur ce point.

M. le Président. — Je vous ai dit qu’il y a un arrêt de la Cour, rendu conformément à la loi et je m’y conformerai pendant tout le temps de ces débats, quoi que vous disiez et quoi que vous fassiez.

Me Labori. — Je ne reviens que sur les questions sur lesquelles je crois avoir le droit de revenir.

M. le Président. — Non, vous posez des questions qui violent l’arrêt que nous avons rendu.

Me Labori. — Permettez-moi. En toutes matières, surtout en matière de droit et de justice, toutes les questions sont susceptibles d’interprétation. La Cour et le Président peuvent avoir une opinion et la défense une autre.

M. le Président. — Il ne faut pas faire des questions indirectes et, par des voies détournées, arriver au même résultat. Je vous ai dit que je ne poserai aucune question concernant l’affaire Dreyfus.

Me Labori. — C’est entendu, mais je tire, au point de vue des intérêts de ma défense, toutes les conséquences nécessaires de la situation.

M. le Président. — Dans votre plaidoirie, vous tirerez toutes les conséquences que vous voudrez, je vous laisserai la liberté la plus absolue et je suis convaincu — ainsi que je vous le disais avant-hier — que vous en userez avec le tact et la courtoisie que nous vous connaissons ; mais, quant à poser des questions qui sont contraires à l’arrêt de la Cour et à la loi, je ne le ferai jamais.

Me Labori. — Je le comprends et je m’incline.

M. le Président. — Eh bien ! inclinez-vous chaque fois ; vous aurez toutes les libertés que vous voudrez ; mais tout ce qui sera contraire à l’arrêt rendu et à la loi, je ne le ferai jamais.

Me Labori. — Je poserai toutes les questions que je croirai utiles à ma défense, quelle que puisse être votre opinion sur ces questions. Vous prendrez à cet égard, monsieur le Prési-