Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/200

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affectueuses et les plus cordiales et qu’il me paraissait posséder aussi leur entière confiance. Répondant à une autre partie des questions qui me sont posées, je puis dire que la lecture de cette correspondance a fait naître en moi la pensée — mais ce n’est là qu’une interprétation — que le colonel Picquart était éloigné de Paris dans une certaine intention. Il fut d’abord envoyé dans la région de l’Est, puis dans la région du Midi ; chaque jour, une lettre nouvelle, des ordres de service nouveaux lui arrivaient qui l’éloignaient un peu plus de Paris, et enfin on finit par lui faire franchir la Méditerranée ; on l’envoya en Algérie et plus loin encore en Tunisie. J’ai bien conservé de la lecture de ces lettres cette impression qu’après l’avoir éloigné de Paris à l’avant-veille de l’interpellation Castelin, on tenait à ce qu’il ne revînt pas.

M. le Président. — Maître Labori, est-ce tout ?

Me Labori. — J’aurais encore un mot à demander à M. Trarieux, c’est le dernier. Monsieur Trarieux pourrait-il nous dire s’il n’a pas reçu, pendant qu’il était Ministre de la justice, la visite d’un honorable avocat qui s’intéresse tout particulièrement aux affaires dont il est question ici, et, dans ce cas, s’il estime qu’il peut en parler, pourrait-il nous dire quel a été l’objet de cette visite et quelle conversation a été tenue entre les deux interlocuteurs ?

M. Trarieux. — Je crois que vous voulez parler de la visite que m’a faite Me Démange ?

Me Labori. — Oui.

M. le Président. — Est-ce au sujet de l’affaire Dreyfus ?

M. Trarieux, se tournant vers Me Labori. — Vous venez de me poser une question, mais elle ne s’adresse pas à moi en tant que ministre.

M. le Président. — Oui, mais est-ce au sujet de l’affaire Dreyfus ?

M. Trarieux. — C’est au sujet d’une pièce qui intéresse le procès Dreyfus.

M. le Président. — Je vous prie de ne pas en parler. (Bruit.)

Me Labori. — Voulez-vous me permettre d’intervenir ici. Je n’ai pas de questions à adresser à M. le Président ; cependant, je voudrais lui faire une observation très respectueuse parce que, peut-être, elle sera de nature à le faire revenir sur l’interdiction à M. Trarieux de déposer sur ce point. Hier, M. le général Mercier a cru devoir dire, sur l’affaire Dreyfus, des paroles qui, comme toutes celles qui viennent d’un certain côté ici, sont incomplètes. Elles ont été accueillies avec des manifestations très violentes ; mais je n’ai rien pu obtenir de plus que ce qui avait été dit, parce qu’il est entendu que chacun ici, quand il s’agit de cette affaire, peut parler pi cela peut nous nuire, et n’a pas le droit de parler si cela peut nous servir.

M. le Président. — Je vous demande pardon, maître Labori ; je crois présider ici avec toute l’indépendance voulue. Si j’empêche M. Trarieux de parler sur l’affaire Dreyfus, c’est que