Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/172

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Cela dit, Messieurs, retenons, pour en tirer le parti qui sera utile, la réponse déjà faite par M. le général Mercier et retenons que M. le Président n’aurait pas posé la question si M. le général Mercier n’avait pas répondu spontanément.

Je pose des conclusions spéciales relatives à M. le général Mercier ; je vais les lire, mais je dis immédiatement à quoi elles tendent

M. Emile Zola est poursuivi devant la Cour d’assises de la Seine à raison de trois paragraphes de sa lettre, et dans le troisième paragraphe il est dit ceci : « J’accuse le second Conseil de guerre d’avoir couvert cette illégalité par ordre » — et cette illégalité, c’est d’avoir condamné un accusé sur une pièce restée secrète.

Je dis que nous avons le droit de prouver cette illégalité ou qu’on va nous donner acte qu’elle a été commise.

M. le Président. — Rien du tout.

Me Labori. — Eh bien ! je vais déposer des conclusions à cet effet.

M. le Président. — Déposez tout ce que vous voudrez.

Me Labori. — Voici les conclusions que j’ai l’honneur de déposer sur le bureau de la Cour :

Conclusions
relatives à l’audition du général Mercier.
Plaise à la Cour,

Attendu que, parmi les faits relevés dans la citation se trouve le fait suivant : « J’accuse enfin le premier Conseil de guerre d’avoir violé le droit en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j’accuse le second Conseil de guerre d’avoir couvert cette illégalité par ordre en commettant à son tour le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable, » dont les prévenus sont autorisés à faire la preuve ;

Attendu qu’il leur est impossible de faire la preuve qu’une illégalité a été commise par ordre, sans avoir au préalable établi cette illégalité elle-même ;

Attendu que ce n’est pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée que de demander à prouver qu’une illégalité a été commise à l’occasion d’un jugement ; qu’il n’y a pas de chose jugée en dehors de l’observation de toutes les règles du droit et des formes judiciaires qui sont la garantie de la justice ;

Attendu, en tous cas, que le droit de faire la preuve, ouvert aux concluants, serait en contradiction absolue avec la prohibition d’établir l’illégalité dont s’agit ;

Par ces motifs :

Dire que les questions suivantes seront posées à M. le général Mercier :

1° Une pièce secrète existait-elle au ministère, qui s'appliquât au capitaine Dreyfus ?