Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/165

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sur cette plainte. Cet avis, Messieurs les jurés, il est bien entendu que je fais tout ce qu’il dépend de moi pour ne pas prendre la parole, pour ne pas allonger le débat et pour ne pas retarder le moment où j’aurai à m’expliquer complètement. Voilà ce que je fais. Si cela soulève une critique, je le regrette, c’est un rôle que je crois devoir prendre, et je m’explique immédiatement ; car je ne recule jamais devant une explication, précisément parce que je n’ai rien à sauvegarder.

Ce que l'on demande, c’est de faire apporter un dossier ; ce dossier serait celui qui a été soumis au Conseil d’enquête, lequel a statué dans le huis clos le plus absolu. Alors, je me reporte, puisque Me Labori y a fait allusion, à la sommation originaire, dans laquelle on me sommait également d’apporter ici le dossier de l’affaire Dreyfus, le dossier de l’affaire Esterhazy, la procédure qui est en cours devant l’un de MM. les juges d’instruction du Tribunal de la Seine ; et alors, Messieurs, comme une réponse, — car sur ce point on n’avait pas pris de conclusions à la barre, bien que la sommation en parlât, — sur tous ces points, je fais cette réponse : « Ces communications, je ne peux pas les faire, cela est absolument impossible, ce n’est pas à moi à vous produire la preuve, la vérité des faits que vous imputez à d’autres ; c’est l’interversion audacieuse des rôles du Ministère public et des prévenus. C’est le prévenu qui, avant de lancer ses imputations diffamatoires, surtout quand elles ont la portée énorme qu’ont celles-ci, doit avoir la preuve de ce qu’il ose avancer ; par conséquent, je déclare que je ne peux pas apporter cette preuve. »

Et maintenant, si cette réponse ne suffisait pas à la défense, elle a un droit, celui de s’adresser à M. le Président des assises, de lui demander d’exercer le droit qu’il a de faire apporter ces pièces, et si elle n’obtient pas ces pièces, de saisir la Cour par des conclusions et la Cour répondra par un arrêt.

Me Labori. — Je demande la permission de répondre d’un mot aux différents points qui ont été touchés par M. l’Avocat général.

Ce que je veux vous faire remarquer, Messieurs les jurés, c’est que la procédure est une belle chose ; seulement il ne faudrait pas en abuser.

M. l’Avocat général, qui parle de son rôle particulier, peut bien vous dire : Moi je ne peux pas faire ceci, je ne peux pas faire cela, je ne représente personne, je ne peux rien demander, je m’en lave les mains. Cela le couvre, cela le satisfait, nous lui en donnons acte, c’est bien ! Mais nous ne sommes pas ici pour juger M. l’Avocat général, nous sommes ici pour juger une affaire dans laquelle M. le Ministre de la guerre est partie plaignante. Eh bien ! vraiment il faut avouer que M. le Ministre de la guerre abuse du droit de se taire et de mettre la lumière sous le boisseau. Non seulement il restreint la poursuite dans des limites telles que vous voyez qu’à chaque pas on nous arrête et on nous dit : « Vous ne ferez pas la lumière ! » et les