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M. le commandant Lauth. — En 1896. Chaque fois que j’avais à photographier un spécimen de l’écriture du commandant je devais masquer certaines parties de façon à dénaturer la teneur de la lettre. Je mettais des caches d’après l’ordre du colonel sur certaines parties, pour en cacher soit le commencement, soit le milieu, soit la fin. C’est ainsi que je faisais les spécimens destinés au colonel Picquart pour son enquête contre le commandant Esterhazy. J’ai encore les clichés et tous les spécimens que j’ai photographiés dans ces conditions.

M. l’Avocat général. — Etes-vous au courant des lettres de menaces qui ont été adressées au colonel Picquart ?

M. le commandant Lauth. — Non, je ne suis au courant d'aucune lettre de menaces et je ne sache pas qu’on lui ait écrit une lettre de menaces. Je sais qu’à un moment donné, au printemps de l’année dernière, vers le mois de mai 1897, il arrivait encore chez nous, au bureau, certaines lettres qui étaient adressées au colonel Picquart, parmi lesquelles se trouvaient quelquefois des lettres de service, parce que des lettres regardant notre service étaient parfois envoyées au bureau et, qu’à force d'en avoir reçu, on ne les ouvrait plus et qu’on les renvoyait à Sousse.

Une de ces lettres est ainsi allée à Sousse, et comme elle concernait notre service, le colonel Picquart la renvoya à Paris à celui qui lui avait succédé, c’est-à-dire le colonel Henry. A cette lettre en avait été jointe une autre dans laquelle il était dit : « Vous devriez bien prévenir tous les agents afin que je ne reçoive plus ces lettres, je n’ai plus rien à faire avec le service ; je vous prie de prévenir les agents. Je voudrais bien savoir quand finira cette campagne de mystère et de mensonge qui ne cesse de se dérouler ? »

Cette lettre a reçu une réponse, mais je ne sais pas exactement dans quels termes ; cependant, c’était à peu près dans ce genre : « Nous donnerons des ordres au plus grand nombre possible d’agents pour que vous ne soyez plus importuné par des lettres. Je ne m’explique pas ce que signifie la fin de votre lettre. En fait de mystère et de mensonge, le mystère commence à être éclairci ; on a remarqué que vous aviez entamé une correspondance absolument particulière et en dehors de vos chefs et du service ; et on a remarqué aussi que vous aviez fait à différentes reprises, à plusieurs officiers, des propositions plus ou moins louches au sujet de la falsification des clichés et pour vouloir faire mettre à la poste des timbres sur des lettres qui n'en avaient pas, et qu’en outre vous avez fait une enquête que vous avez menée en dehors de tout le monde. Voilà pour le mystère. Quant au mensonge , les enquêtes qu’on pourra faire ultérieurement arriveront à déterminer quel est celui qui a menti. »

Si c’est une lettre de menaces, on peut la considérer comme telle.

M. le Président. — Est-ce que, dans les bureaux, vous trouviez souvent des lettres de menaces ?

M. le commandant Lauth. — Adressées à nous, non. Person-