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depuis huit mois qu’il était à la tête du service, et il ne pouvait pas arguer qu’il ne la connaissait pas. Cette écriture m’était complètement étrangère et je n’en avais jamais vu un seul exemple depuis cinq ans que j’étais dans le service.

Me Labori. — Je désirerais savoir quelle était la portée exacte des paroles suivantes de M. le commandant Lauth : « Je n’ai pas ainsi compris les choses à ce moment-là ?» Quelle est l’interprétation que donne M. le commandant Lauth ? Est-ce l’interprétation de ses sentiments à ce moment-là, ou celle d’aujourd’hui ?

M. le commandant Lauth. — A ce moment, j’ai refusé absolument et d’une voix si haute que le bruit de mon refus a passé à travers les murs et qu’au moment où je suis sorti du cabinet du colonel, deux de mes camarades m’ont demandé : « Qu’y a-t -il ? vous venez de vous disputer ?» Je leur répétai ce qui venait de se passer.

Me Labori. — Je voudrais arriver à une grande précision dans la réponse. M. le commandant Lauth a dit : « à ce moment là ». Je lui demande quelle a été son interprétation à ce moment-là et si elle était la même que celle d’aujourd’hui ? Je lui demande enfin si l’interprétation qu’il nous a faite dans sa réponse est celle d’aujourd’hui ou celle d’alors ?

M. le commandant Lauth.A ce moment-là, le colonel Picquart voulait me faire certifier que cette écriture, que je ne connaissais pas, était celle d’une personne dont, lui, il connaissait fort bien l’écriture et pour laquelle il ne pouvait pas avoir le moindre doute ; car ces deux écritures n’étaient pas du tout semblables ni comparables. Je n’ai pas insisté, parce que lui-même n’a pas insisté, et, devant mon refus, l’incident a été clos, et nous nous sommes séparés ainsi. Je n’avais pas à en rendre compte à mes chefs ; je n’en ai rendu compte que lorsqu’on m’a interrogé au moment des enquêtes à propos du commandant Esterhazy.

Me Labori. — Est-ce que M. le commandant Lauth n’est pas resté à ce moment-là dans les termes les plus amicaux avec M. le colonel Picquart ?

M. le commandant Lauth. — J’étais dans les bureaux sous ses ordres et j’y suis resté.

Me Labori. — Est-ce que M. le commandant Lauth n’a pas dîné chez M. le colonel Picquart en octobre 1896 ?

M. le commandant Lauth. — Oui. Je l’ai même invité. Je n’avais pas à lui tourner le dos pour un simple fait comme celui-là.

M. le Président. — Vous n’avez pas d’autre question à poser au témoin ?

M. l’Avocat général. — A quelle époque a-t-on photographié pour la première fois l’écriture du commandant Esterhazy ?

M. le commandant Lauth. — Je ne puis pas spécifier à huit ou quinze jours près, mais cela devait être vers le mois de mai.

M. l’Avocat général. — De quelle année ?