Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/108

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M. le Président de la Cour d’assises a aussi un droit, il a un pouvoir qu’on appelle un pouvoir discrétionnaire, c’est déjà quelque chose. J’entends bien qu’aux termes d’une jurisprudence et d’une doctrine que la Cour connaît aussi bien que moi. le pouvoir discrétionnaire du Président n’est pas absolu en matière de presse ; mais nous avons certainement ouvert une large marge à ce pouvoir discrétionnaire par la sommation que nous avons faite à M. le Procureur général. C’est donc tout d’abord au pouvoir discrétionnaire du Président que nous nous adressons.

Si le Président des assises croit devoir, en vertu de ce pouvoir discrétionnaire, ordonner, non pas que le témoin lira les lettres, mais qu’elles seront remises à M. le Président des assises qui en donnera connaissance à MM. les jurés, à M. le Procureur général et à la défense...

M. le Président. — Si M. l’Avocat général ne s’y oppose pas, je ne laisserai pas lire ces lettres, mais je les ferai communiquer.

M. l’Avocat général. — Mais il y a une question très simple, ce sont des lettres de qui ? Ce sont des lettres de M. le colonel Picquart et de M. le général Gonse. tous deux sont cités comme témoins ; il me semble donc que c’est à eux qu’il appartient, si toutefois on peut le faire, sous toutes réserves de parler de ces lettres. Voilà la situation très nette.

Me Labori. — Nous n’avons pas à rechercher ici à qui il appartient de parler de ces lettres, ou qui, de M. le général Gonse ou de M. le colonel Picquart, devra en parler ; ils en parleront s’ils le jugent convenable. Il s’agit en ce moment d’un incident très précis : M. Seheurer-Kestner offre de verser aux débats les lettres du général Gonse et du colonel Picquart. M. l’Avocat général y consent-il ? Si non, je vais avoir l’honneur de déposer sur le bureau de la Cour des conclusions afin qu’elle ordonne, dans l’intérêt de la manifestation de la bonne foi des prévenus, que ces pièces soient versées aux débats malgré la résistance de M. l’Avocat général.

M. le Président. — Encore une fois, c’est contraire aux dispositions de l’article 52 de la loi de 1881.

Me Labori. — La Cour statuera.

M. le Président. — Il n’y a même pas à discuter.

Me Labori. — Mais, je vous demande pardon...

M. le Président. — Lisez l’article 52 de la loi de 1881.

Me Labori. — Nous allons lire, si vous le voulez bien, le commentaire de M. Barbier... Véritablement, Messieurs, comme il faut avoir, sous les apparences de l’indignation et de la colère, de la patience !

M. le Président. — Vous ne paraissez pas trop en avoir dans ce moment-ci.

Me Labori. — Comme il faut avoir de la modération ! La preuve que j’en ai, c’est que, bien que je me heurte ici à des obstacles qui veulent être les plus infranchissables et que nous