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DÉPOSITION DE M. SGHEURER-KESTNER
Sénateur.

Me Labori. — Monsieur le Président, voudriez-vous demander à M. Scheurer-Kestner dans quelles conditions il a été amené à s’occuper des circonstances qui révélaient que l’auteur du bordereau, attribué en 1894 au capitaine Dreyfus, n’était autre, en réalité, que M. le commandant Esterhazy et comment il s’est occupé de cette affaire après en avoir été saisi ? (Mouvement de M. l'Avocat général.)

M. le Président. — Monsieur l’Avocat général ?...

M. l’Avocat général. — C’est toujours la même question...

Me Labori. — C’est toujours la même question, et je comprends qu’elle vous trouve toujours prêt à l’accueillir avec les mêmes dispositions.

M. l’Avocat général. — Naturellement.

M. le Président. — Monsieur Scheurer-Kestner, vous allez nous parler du commandant Esterhazy, mais je vous prie de ne pas nous parler de l’affaire Dreyfus dont nous n’entendrons pas un mot... Parlez-nous de l’affaire Esterhazy, mais non de l’affaire Dreyfus.

M. Scheurer-Kestner. — Je vous ai entendu, monsieur le Président.

Au mois de juillet dernier, j’ai appris qu’au mois de septembre 1896, le colonel Picquart, chef du bureau des renseignements de l’Etat-major, avait découvert dans des recherches qu’il faisait à propos d’autre chose, mais qui concernaient le commandant Esterhazy, que l’on s’était trompé, en 1894, en attribuant le bordereau à M. Alfred Dreyfus. J’appris en même temps que, dès que le colonel Picquart eut fait cette remarque, il s’empressa de se rendre auprès de M. Bertillon, un des experts consultés en 1894 et qui avait attribué, sans hésitation aucune, le bordereau à Alfred Dreyfus. Le colonel Picquart, en lui montrant le bordereau et l’écriture du commandant Esterhazy, mais sans lui dire de qui elle provenait, lui demanda ce qu’il en pensait. Et M. Bertillon lui dit : « Ah ! les faussaires ont réussi ! Ce n’est plus une similitude, c’est l’identité ! »

Le colonel Picquart revint avec cette réponse, et proposa à son chef de continuer l’enquête en soumettant les pièces à une nouvelle expertise d’écritures, et le général Gonse le lui déconseilla.

Il existe à ce sujet une correspondance échangée entre M. le général Gonse et le colonel Picquart ; j’ai été mis à même d’en prendre connaissance ; elle était pour moi d’une très grande valeur, car elle était de nature à fixer mon opinion. Je reçus donc communication de cette correspondance, et j’acquis la preuve, en la lisant, que le général Gonse se