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l’appaisa tout-à-coup, mais elle ne les amena pas à la raison et à l’équité. En poussant toujours de grands cris, ils se mirent à faire des prisonniers.

J’arrivai sur ces entrefaites. Non, je ne croîs pas qu’on puisse être homme et être insensible dans de si tristes conjonctures. Le fils enlevé d’entre les bras du père, la fille arrachée du sein de sa mère, l’époux séparé de l’épouse, des officiers dépouillés jusqu’à la chemise, sans respect pour leur rang et pour la décence, une foule de malheureux qui courent à l’aventure, les uns vers les bois, les autres vers les tentes françaises, ceux-ci vers le fort, ceux-là vers tous les lieux qui semblaient leur promettre un asile : voilà les pitoyables objets qui se présentaient à mes yeux ; cependant les français n’étaient pas spectateurs oisifs et insensibles de la catastrophe. M. le Chevalier de Lévi courait par-tout où le tumulte paraissait le plus échauffé pour tâcher d’y remédier, avec un courage animé par la clémence si naturelle à son illustre sang. Il affronta mille fois la mort à laquelle, malgré sa naissance et ses vertus, il n’aurait pas échappé, si une providence particulière n’eut veillé à la sûreté de ses jours, et n’eut arrêté les bras sauvages déjà levés pour le frapper. Les officiers français et les canadiens imitèrent son exemple avec un zèle digne de l’humanité qui a toujours caractérisé la nation ; mais le gros de nos troupes, occupé à la garde de nos batteries et du fort, était, par cet éloi-