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le mécanisme du toucher

vement pas le même outil qu’il emploie. Pour le profane, la touche n’a qu’une marche, pour l’artiste elle représente des degrés innombrables. Cette comparaison est justifiée parce que la multiplicité des moyens artistiques est telle que nous n’en éveillons l’idée que par l’exagération des proportions. En effet, la dissemblance de l’agencement des mouvements est énorme entre les mauvais et les bons peintres, entre les mauvais et les bons pianistes : elle peut même exister sans qu’on perçoive l’activité différente de leurs mains, car une diversité, qui ne se voit pas, peut être très intense par le caractère des sensations évoquées.

C’est par le changement des sensations des mains que le changement des mouvements devient appréciables ; ces sensations sont aussi différentes que la force vive qui se dégage d’une œuvre d’art et différente de l’impuissance inhérente aux production factices. Nous sommes malheureusement aussi incapables de distinguer certaines différences de sensibilité de nos propres doigts, que d’apprécier certaines différences de mouvements qui caractérisent chaque individualité en particulier.

Si jamais on devait arriver à connaître, d’une façon précise, le degré d’intensité des sensations tactiles nécessaire à la création d’une œuvre d’art, que de vains efforts pourraient être évités !

Un fait indéniable, c’est la corrélation absolue entre le caractère des mouvements et celui des moyens que nous employons. Selon que nous nous servons, au point de vue artistique, de moyens grossiers ou affinés, nous