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le mécanisme du toucher

de l’appareil tactile, particulièrement prédestinés à faire ces distinctions infimes ? Pourquoi ne chercherions-nous pas à utiliser cette aptitude à discerner, par les transformations des représentations visuelles que le toucher nous suggère, ces différences minuscules si importantes dans l’art ? Car nul procédé de mesurer, même le plus artistique, ne peut atteindre la finesse de celui que nous offre l’appareil tactile.

L’habitude d’étudier le dessin en reliant l’ensemble des proportions par des lignes qui permettent d’établir mentalement des comparaisons plus justes, est basée sur le même principe. Nous apprenons par ce procédé comment la pensée doit fonctionner, mais cette explication nous donne-t-elle toujours l’impulsion suffisante pour que nous apprenions à nous servir de ce mécanisme ? Non, il semble que le développement de nos sensations tactiles et l’étude de ces sensations doivent former la base de notre première éducation artistique, quel que soit l’art auquel nous nous destinions.

Plus nous étudions les organes tactiles, plus nous cherchons à analyser leur mécanisme, plus nous constatons qu’ils ne peuvent entrer en activité sans nous suggérer à notre insu des mesures, et non seulement la musique, mais tous les arts sont au fond basés sur le même principe : mesurer.

La pensée elle-même procède avant tout par la mesure.

Cette vérité n’est pas de nature à amoindrir notre conception de l’art. L’infini qu’il doit nous représenter, sous ses diverses incarnations, ne peut être plus immense.