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histoire du vizir noureddine…
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quel rêve étonnant ! quel rêve incohérent ! » Puis il continua à s’avancer, comme s’il marchait sur des serpents, avec d’infinies précautions, en relevant les pans de sa chemise d’une main et en tâtant l’air de l’autre main, comme un aveugle ou un ivrogne.

Puis, n’en pouvant plus d’émotion, il s’assit sur le tapis et se mit à penser profondément, en faisant avec les mains des signes fous de stupéfaction. Pourtant il voyait là, devant lui, ses culottes telles qu’elles étaient, bouffantes et avec des plis bien réguliers, son turban de Bassra, sa pelisse et, au-dessous, les cordons de la bourse, qui pendaient !

Et, de nouveau, Sett El-Hosn parla de l’intérieur du lit et lui dit : « Qu’as-tu donc, mon chéri ? Je te vois fort perplexe et un peu tremblant. Ah ! tu n’étais pas ainsi au commencement ! Est-ce que, par hasard… ? »

Alors Badreddine, tout en restant assis et en se tenant le front à deux mains, se mit à ouvrir et à fermer la bouche dans un mouvement de rire fou, et put enfin dire : « Ha ! ha ! tu dis que je n’étais pas ainsi au commencement ! Quel commencement ? Et quelle nuit ? Par Allah ! mais il y a des années et des années que je suis absent ! Ha ! ha ! »

Alors Sett El-Hosn lui dit : « Ô mon chéri, calme-toi ! par le nom d’Allah sur toi et tout autour de toi ! calme-toi ! Je parle de cette nuit-ci que tu viens de passer dans mes bras, de celle-ci même où le bélier est entré puissamment quinze fois dans ma brèche ! Mon chéri ! Tu es simplement sorti pour