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histoire du roi schahriar…
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témoin du spectacle et tu le vérifieras par la vue ! »

À l’heure même, le Roi fit proclamer le départ par le crieur public ; et les soldats sortirent avec les tentes en dehors de la ville ; et le Roi sortit aussi et s’établit sous les tentes, et dit à ses jeunes esclaves : « Qu’il n’entre chez moi personne ! » Ensuite il se déguisa et sortit en cachette et se dirigea vers le palais, là où était son frère ; et, en arrivant, il se mit à la fenêtre qui avait vue sur le jardin. Une heure s’était à peine écoulée que les esclaves femmes, entourant leur maîtresse, entrèrent ainsi que les esclaves hommes : et ils firent tout ce qu’avait dit Schahzaman, et ils passèrent le temps dans ces ébats jusqu’à l’asr[1].

Lorsque le roi Schahriar vit cet état de choses, sa raison s’envola de sa tête ; et il dit à son frère Schahzaman : « Allons-nous-en et partons voir l’état de notre destinée sur le chemin d’Allah ; car nous ne devons avoir plus rien de commun avec la royauté et cela jusqu’à ce que nous puissions trouver quelqu’un qui ait éprouvé une aventure pareille à la nôtre : sinon notre mort serait, en vérité, préférable à notre vie ! » À cela, son frère fit la réponse qu’il fallait. Puis tous deux sortirent par une porte secrète du palais. Et ils ne cessèrent de voyager jour et nuit jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés enfin à un arbre au milieu d’une prairie solitaire, près de la mer salée. Dans cette prairie, il y avait un œil d’eau douce[2] : ils burent à cet œil et s’assirent se reposer.

Une heure s’était à peine écoulée de la journée que la mer se mit à s’agiter, et, tout à coup, il en sortit une colonne de fumée noire qui monta vers le ciel et se dirigea vers cette prairie. À cette vue, ils furent effrayés et montèrent au plus haut de l’arbre qui était haut, et se mirent à regarder ce que pouvait bien être l’affaire. Or, voici que

  1. asr, partie du jour où le soleil commence à décliner.
  2. C’est-à dire une source d’eau.