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histoire de la femme coupée…
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santé ; et je pus alors sortir et aller à ma boutique ; et je me remis à vendre et à acheter.

« Or, pendant que j’étais ainsi assis dans ma boutique, vers midi, je vis passer devant moi un nègre qui tenait à la main une pomme avec laquelle il jouait. Alors je lui dis : « Hé ! mon ami, où as-tu pu prendre cette pomme, dis-moi, pour que j’aille moi aussi en acheter de semblables ? » À mes paroles, le nègre se mit à rire et dit : « Je l’ai prise de mon amoureuse ! Comme j’étais allé la voir, et qu’il y avait déjà un certain temps que je ne l’avais vue, je l’ai trouvée indisposée, et à côté d’elle il y avait trois pommes ; et, comme je la questionnais, elle me dit : « Imagine-toi, ô mon chéri, que ce triste cornu de mari que j’ai est parti expressément à Bassra pour me les acheter, et il les acheta pour trois dinars d’or ! » Puis elle me donna cette pomme que j’ai à la main ! »

« À ces paroles du nègre, ô prince des Croyants, mes yeux virent le monde en noir ; et je fermai aussitôt ma boutique, et je revins à la maison après avoir, en route, perdu toute ma raison par la force explosive de ma fureur. Et je regardai sur le lit, et je ne trouvai point, en effet, la troisième pomme. Et je dis alors à mon épouse : « Mais où est la troisième pomme ? » Elle me répondit : « Je ne sais point, et je n’en ai aucune connaissance. » De la sorte je vérifiai les paroles du nègre. Alors je me précipitai sur elle, un couteau à la main, je mis mes genoux sur son ventre et je la hachai à coups de couteau ; je lui coupai ainsi la tête et les membres, puis je mis le tout dans la couffe, en toute hâte, puis je la couvris