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les mille nuits et une nuit

apportés ici. » Alors le genni, au comble de la fureur, s’écria : « Quelles paroles absurdes, louches et détournées ! Elles ne sauraient avoir de prise sur moi, ô débauchée ! »

À ces paroles, il la mit toute nue, la mit en croix entre quatre pieux fichés en terre, et, l’ayant mise à la torture, il commença à la questionner sur ce qui était arrivé. Mais, moi, je ne pus tolérer cela davantage ni entendre ses pleurs ; et je montai vite l’escalier en tremblant de terreur ; et, arrivé enfin au dehors, je replaçai le couvercle comme il était, et je le dérobai aux regards en le recouvrant de terre. Et je me repentis de mon action à la limite du repentir. Et je me mis à penser à l’adolescente, à sa beauté, et aux tortures que lui infligeait ce maudit-là, alors qu’elle était avec lui depuis déjà vingt ans. Et surtout je fus bien peiné à la pensée qu’il la torturait à cause de moi. Et, en ce moment, je me remis à penser aussi à mon père et à son royaume et à la misérable condition de bûcheron où j’étais, et, tout en pleurant, je récitai un vers sur ce triste sujet.

Après quoi, je continuai à marcher jusqu’à ce que je fusse arrivé chez mon camarade le tailleur. Et je le trouvai qui, à cause de mon absence, était assis comme s’il eût été sur le feu dans une poêle à frire. Et il était là qui m’attendait avec impatience. Et il me dit : « Hier, ne te voyant pas arriver comme à l’ordinaire, je passai la nuit avec mon cœur chez toi ! Et j’avais peur pour toi d’une bête fauve ou de quelque autre chose semblable dans la forêt. Mais que la louange soit à Allah pour ton salut ! » Alors,