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histoire du portefaix…
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Puis, de sa voix douce, elle me chanta cette stance :

Si de ta venue
Nous avions été d’avance prévenues,
Pour tapis à tes pieds nous aurions étendu
Le pur sang de nos cœurs et le noir velours de nos yeux !
Nous aurions étendu la fraîcheur de nos joues
Et la jeune chair de nos cuisses soyeuses
Pour la couche, ô voyageur de la nuit !
Car ta place est au-dessus de nos paupières !

À l’audition de ces vers, je la remerciai, la main sur le cœur ; et son amour s’incrusta encore plus violemment en moi ; et s’envolèrent mes soucis et mes peines. Ensuite nous nous mîmes à boire dans la même coupe, et cela jusqu’à la nuit : alors, cette nuit-là, je me couchai avec elle, dans la félicité. Et jamais de ma vie, je n’eus une nuit semblable à cette nuit-là. Aussi, quand vint le matin, nous nous levâmes fort contents l’un de l’autre et dans le bonheur, en vérité !

Alors, moi, tout enflammé encore et surtout pour allonger mon bonheur, je lui dis : « Veux-tu que je te fasse sortir de dessous terre, et que je te débarrasse ainsi de ce genni-là ? » Alors elle se mit à rire, et me dit : « Tais-toi donc, et contente-toi de ce que tu as ! Voyons ! ce pauvre éfrit n’aura qu’un jour sur dix, et, toi, je te promets chaque fois les neuf autres jours ! » Alors, moi, emporté par l’ardeur de la passion, je m’avançai fort loin en paroles, car je