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les mille nuits et une nuit

portes de la ville de mon père, une troupe d’hommes surgit, se jeta sur moi et me lia les bras. Alors je fus complètement stupéfait de cette action, vu que j’étais le fils du sultan de la ville, et que ceux-là étaient les serviteurs de mon père et aussi mes jeunes esclaves. Et j’eus une peur considérable, et je me dis en moi-même : « Qui sait ce qui a pu arriver à mon père ! » Alors je me mis à questionner à ce sujet ceux qui m’avaient lié les bras ; et ils ne me rendirent aucune réponse. Mais, peu d’instants après, l’un d’eux, qui était un de mes jeunes esclaves, me dit : « La destinée du temps s’est montrée agressive à l’égard de ton père. Les soldats l’ont trahi et le vizir l’a fait mettre à mort. Quant à nous, nous étions en embuscade pour attendre ta chute entre nos mains. »

Là-dessus, ils m’enlevèrent, et moi je n’appartenais vraiment plus à ce monde, tant ces nouvelles entendues m’avaient consterné, tant la mort de mon père m’avait saisi de douleur. Et ils me traînèrent soumis entre les mains du vizir qui avait tué mon père. Or, entre ce vizir et moi, il y avait une vieille inimitié. Le motif de cette inimitié, c’est que j’étais très enflammé pour le tir à l’arbalète. Or, il y eut cette coïncidence qu’un jour d’entre les jours, où j’étais sur la terrasse du palais de mon père, un grand oiseau descendit sur la terrasse du palais du vizir, alors que le vizir s’y trouvait : je voulus atteindre l’oiseau avec l’arbalète, mais l’arbalète manqua l’oiseau et atteignit l’œil du vizir et l’abîma avec la volonté et le jugement écrit d’Allah ! Comme dit le poète :