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les mille nuits et une nuit

-même. Alors la maîtresse du logis, remise un peu, s’assit sur le lit et dit à la pourvoyeuse : « Je t’en prie, chante encore pour que nous puissions payer nos dettes ! Encore une fois seulement ! » Alors la pourvoyeuse accorda de nouveau le luth et chanta ces strophes :

Jusques à quand cet éloignement et cet abandon si dur ? Ne sais-tu que mes yeux n’ont plus de larmes à répandre ?

Tu me délaisses ! Mais penses-tu ainsi déserter longtemps encore l’ancienne amitié ? Oh ! si ton but n’était qu’allumer en moi la jalousie, tu as réussi !

Si le destin perfide devait toujours favoriser les hommes amoureux, les pauvres femmes ne trouveraient plus un seul jour pour faire leurs reproches aux amants infidèles !

Mais moi, hélas ! à qui dois-je me plaindre pour me décharger un peu de mes malheurs, de mes malheurs par ta main, ô meurtrier de ce cœur !… Hélas ! hélas ! quelle déception n’attend-elle pas le plaignant qui aurait perdu la preuve écrite de sa créance ou d’une dette payée !

Et la tristesse de mon cœur endolori ne fait qu’augmenter de la folie de ton désir ! Je te désire ! Tu m’as promis ! Mais où es-tu ?

Ô frères, musulmans ! je vous laisse le soin de me venger de l’infidèle ! Qu’il éprouve d’égales souffrances ! Qu’à peine son œil va-t-il se fermer pour le repos, qu’aussitôt l’insomnie le rouvre largement !

Il m’a fait atteindre, par l’amour, aux pires humiliations ! Aussi je souhaite qu’un autre, à ma place,