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histoire du portefaix…
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vous agréeront pas ! » Et la jeune fille courut toute joyeuse à la porte et revint en amenant les trois borgnes : et, en effet, ils avaient la barbe rasée, et, de plus, ils avaient des moustaches tordues et retroussées et tout en eux indiquait qu’ils appartenaient à la confrérie des mendiants appelés saâlik[1]. À peine entrés, ils souhaitèrent la paix à l’assistance en se reculant tour à tour. À leur vue, les jeunes filles se tinrent debout et les invitèrent à s’asseoir. Une fois assis, les trois hommes regardèrent le portefaix qui était en pleine ivresse et, quand ils l’eurent bien observé, ils supposèrent qu’il appartenait à leur confrérie et se dirent : « Oh ! mais c’est aussi un saâlouk comme nous ! il va donc pouvoir nous tenir compagnie amicalement ! » Mais le portefaix, qui avait entendu leur réflexion, se leva tout d’un coup, et leur fit de gros yeux et mit ses yeux de travers et leur dit : « Allez ! Allez ! restez donc tranquilles, car je n’ai que faire de vos bonnes grâces ! Et commencez par observer ce qui est écrit là, sur la porte ! » À ces paroles, les jeunes filles éclatèrent de rire et se dirent : « Nous allons bien nous amuser des saâlik et du portefaix ! » Puis elles offrirent à manger aux saâlik, qui mangèrent bien ! Puis la portière leur offrit à boire, et les saâlik se mirent à boire tour à tour et à se passer fréquemment la coupe des mains de la jeune portière. Lorsque la coupe fut en pleine circulation, le portefaix leur dit : « Hohé ! nos frères ! Avez-vous dans vos sacs quelque bonne histoire ou quelque aventure merveil-

  1. Les Persans les appellent des kalendars ou calenders. Le mot saâlouk donne au pluriel saâlik.