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bles gambades et à des danses indignes d’un homme de ma gravité. Enfin ! ce qui est fait est fait. Oubliez-le cependant, et observez ce que je vais faire. Une plume ! du papier ! Écrivez, Aubépine !… « Monsieur Belazor prie le nommé Larfaillou… »

AUBÉPINE, à part.

Larfaillou ! ce beau jeune homme qui raccommode les bottines de la pension…

BELAZOR.

« Monsieur (en toutes lettres) Belazor prie le nommé Larfaillou de lui faire l’honneur de passer chez lui la soirée du 20 juillet 1856. »

AUBÉPINE, à part.

Oh ! mon cœur !… Sous des dehors enfantins, cachons bien à mon père la profonde passion que je nourris pour ce simple artisan.

BELAZOR, au deuxième Invité.

Deuxième Invité, si je ne craignais d’abuser de votre platitude, je vous prierais de porter cette lettre à son adresse. (Le deuxième Invité sort en courant.) Ce que je fais là n’est peut-être pas très-vraisemblable ! Inviter un savetier ! Mais c’est pour mon repos ; et puis, l’exemple de la Fontaine… quelqu’un de vous connaît-il le bon la Fontaine ?

PREMIER INVITÉ.

Je l’ai vu jouer dans une tragédie de Corneille.

BELAZOR.

Et comment l’avez-vous trouvé ?

PREMIER INVITÉ.

Épatant !


Scène V

Les Mêmes, LARFAILLOU.

Larfaillou entre en chantant. Il ôte sa pipe et la met sur un meuble.

LARFAILLOU.
refrain.

Cours dans le cuir, ô mon alène !
Lorsque je chante à perdre haleine.
Cours dans le cuir, ô mon alène !

AUBÉPINE.

C’est lui ! cachons ma corde et mon émotion.

BELAZOR.

Soyez tranquilles : il ne chantera bientôt plus. (À Larfaillou.) Or çà, sire Grégoire…