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LARFAILLOU.

C’est une chose particulière, depuis que j’ai revêtu ces habits, je me sens un langage fleuri et de bonnes façons ! — Messieurs mes invités, car vous êtes à moi désormais, souffrez que je témoigne ma munificence en ajoutant comme un couronnement à cette petite fête de famille. Holà ! mes gens ! (Deux laquais paraissent.) Apportez des plateaux et faites couler l’allégresse dans le cristal des coupes. Je veux que ce jour demeure à jamais célèbre dans les fastes de mon existence. À Dieu ne plaise que je renie les épreuves qui ont signalé mes premiers pas dans la carrière de l’industrie lorsque j’étais simple réparateur de la chaussure humaine. Je veux m’en souvenir, mais pour les oublier. Buvez, messieurs, buvez ! je bois à vos sultanes !

BELAZOR.

C’est cocasse, comme depuis que j’ai mis ces frusques-là j’ai des façons canailles !… Nom de nom ! cré coquin de sort ! savoyard de jeu ! Pas un radis ! La panne et la débine ! Ah ! quelle idée ! si je lui chantais une musique à faire danser les ours. Il m’aboule trois cents francs pour me faire taire. Je lui joue mon rattrapage, je repince mon sac, et allez donc ! (Il chante.)

chanson.

Frappe sur ton empeigne,
Étourdis le quartier,
Savetier !
Celui qui te dédaigne
Peut-être aura demain
Ton destin.

LARFAILLOU.
Je connais cet air-là !
BELAZOR.
Il connaît cette air-là !
LARFAILLOU.
Je l’ai chanté déjà.
BELAZOR.
Il l’a chanté déjà.
ensemble.
Frappe sur ton empeigne, etc.
LARFAILLOU.

Quelle voix harmonieuse est venue me titiller le tube auriculaire ? est-ce la vôtre, bon vieillard ?

BELAZOR.

Ça vous gêne, hein, que je chante ? (Il tend la main.)

LARFAILLOU.

Est-ce nature !