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s’en occuper, qu’il faut le méditer ſans ceſſe, en raiſonner ſans fin, ne jamais le perdre de vue ; l’ignorance invincible où ils ſont à cet egard, loin de les rebuter, ne fait qu’irriter leur curioſité ; au lieu de les mettre en garde contre leur imagination, cette ignorance les rend déciſifs, dogmatiques, impérieux, & les porte à ſe fâcher contre tous ceux qui oppoſent quelques doutes aux rêveries que leurs cerveaux ont enfantées.

Quelle perplexité quand il s’agit de réſoudre un problême inſoluble ! Des méditations inquiètes ſur un objet impoſſible à ſaiſir, & que pourtant il ſuppoſe très important pour lui, ne peuvent que mettre l’homme de très mauvaiſe humeur, & produire dans ſa tête des tranſports dangereux. Pour peu que l’intérêt, la vanité, l’ambition viennent ſe joindre à ces diſpoſitions chagrines, il faut néceſſairement que la ſociété ſoit troublée. Voilà pourquoi tant de nations ſont ſouvent devenus les théâtres des extravagances de quelques rêveurs inſenſés, qui, prenant ou débitant leurs ſpéculations creuſes pour des vérités éternelles, ont allumé l’enthouſiaſme des Princes & des Peuples, & les ont armés pour des opinions qu’ils leur repréſentoient comme eſſentielles à la gloire de la Divinité & au bonheur des Empires. On a vu mille fois dans toutes les parties de notre globe des fanatiques enivrés s’égorger les uns les autres, allumer des bûchers, commettre ſans ſcrupule & par