Page:Le bon sens ou Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles - 1772.pdf/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çu de la nature, ou avoir apporté en naiſſant les idées vraies ou fauſſes que, dans un âge tendre, on a fait entrer dans notre tête. Et cette perſuaſion est une des plus grandes ſources de nos erreurs.

§ 34.

Le préjugé contribue à cimenter en nous les opinions de ceux qui ont été chargés de notre inſtruction. Nous les croyons bien plus habiles que nous ; nous les ſuppoſons très-convaincus eux-mêmes des choſes qu’ils nous apprennent. Nous avons la plus grande confiance en eux ; d’après les ſoins qu’ils ont pris de nous, lorſque nous étions hors d’état de nous aider nous-mêmes, nous les jugeons incapables de vouloir nous tromper. Voilà les motifs qui nous font adopter mille erreurs, ſans autre fondement que la périlleuſe parole de ceux qui nous ont élevés : la défenſe même de ne point raiſonner ſur ce qu’ils nous disent, ne diminue point notre confiance, & contribue ſouvent à augmenter notre reſpect pour leurs opinions.

§ 35 .

Les docteurs du genre humain ſe conduiſent très prudemment, en enſeignant aux hommes leurs principes religieux, avant qu’ils ſoient en état de diſtinguer le vrai du faux ou la main gauche de la main droite. Il ſeroit tout auſſi difficile d’apprivoiſer l’eſprit d’un homme de quarante ans avec les notions diſparates qu’on nous donne de la divinité,