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tent pas de comprendre, quelles idées peuvent en avoir les gens du monde, les femmes, les artiſans, en un mot, ceux qui compoſent la maſſe du genre humain ?

§ 31.

Les hommes ne croient en Dieu que ſur la parole de ceux qui n’en ont pas plus d’idées qu’eux-mêmes. Nos nourrices font nos premieres Théologiennes ; elles parlent aux enfans de Dieu, comme elles leur parlent de loups-garoux : elles leur apprennent, dès l’âge le plus tendre, à joindre machinalement les deux mains ; les nourrices ont elles donc des notions plus claires de Dieu que les enfants qu’elles obligent de le prier ?

§ 32.

La Religion passe des peres aux enfants ; comme les biens de famille avec leurs charges. Très peu de gens dans le monde auroient un Dieu, ſi l’on n’eût pas pris le ſoin de le leur donner. Chacun reçoit de ſes parents & de ses inſtituteurs, le Dieu qu’ils ont eux-mêmes reçu des leurs ; mais ſuivant ſon tempérament propre, chacun l’arrange, le modifie, le peint à ſa maniere.

§ 33.

Le cerveau de l’homme eſt, ſur-tout dans l’enfance, une cire molle, propre à recevoir toutes les impreſſions qu’on y veut faire : l’éducation lui fournit preſque toutes ſes opinions, dans un tems où il eſt incapable de juger par lui-même. Nous croyons avoir re-