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Çomme ils jouissent dans l’empire ottoman des avantages des capitulations au même degré que les Européens, les Persans en profitent pour assaillir de leurs réclamations le consul de leur nation, qui a fort à faire à cause de leur goût naturel pour les chicanes et les procès.

Les Arméniens des deux rites, grégorien et latin, sont de mœurs douces ; les traits de leur visage annoncent la bienveillance. Ils vivent chez-eux d’une façon patriarcale. Les enfants ne s’asseyent jamais devant leur père, et les filles servent à table leurs parents et les étrangers. Les questions religieuses sont les seules qui divisent les partisans des deux rites ; elles amènent quelquefois des rixes, où toutefois le sang ne coule jamais.

Le costume particulier des Arméniens se compose d’une petite veste qui recouvre un gilet croisé. Ils enroulent autour de leur corps une large ceinture de soie : leur pantalon, large et bouffant, descend jusqu’à la cheville ; ils sont généralement coiffés d’un fez qu’ils entourent d’un ou de deux foulards de soie ou de cotonnade.

Les Grecs, sujets ottomans qu’on désigne aussi sous le nom de rayas, sont, ainsi que les Arméniens, plus dévoués à la Russie qu’à la Porte. Il n’est pas facile de trouver la raison intéressée qui peut les pousser à cette préférence. Je suis persuadé qu’ils ne pourraient que perdre à un changement de maître.

Aussi paisibles dans la vie privée que les Arméniens, ils sont plus remuants lorsqu’il s’agit de politique ou de religion. Ils n’ont pas gardé le costume de leurs pères : le plus grand nombre d’entre eux Le costume particulier des Arméniens se compose s’habille à la franque.


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Le Kabak-Meîdan (voy. p. 11).


Hors de leur demeures, toutes les femmes de Trébisonde sont enveloppées d’un tcharchaf, et il est impossible de reconnaître à quelle nationalité ou à quelle religion elles appartiennent. Quelques-unes se couvrent le visage d’un masque de crin noir. Celles qui sont riches s’entourent d’un tcharchaf de soie blanc, à larges carreaux violets ; les pauvres le portent en étoffe de coton à petits carreaux bleus et blancs.

Les femmes, qui pour circuler dans les rues boueuses de Trébizonde ajoutent à leur chaussure des socles de bois de dix centimètres de hauteur, ont, sous le grand voile qui les couvre de la tête au pieds, une démarche disgracieuse et quelquefois comique.

Dans l’intérieur des maisons, le costume des femmes est au contraire très-gracieux ; il varie quelque peu dans chaque secte religieuse ; la fortune d’une femme ou d’une jeune fille se chiffre d’après la quantité de pièces d’or qui recouvrent sa coiffure ou composent son large collier. J’ai trouvé dans la parure de quelques dames arméniennes des monnaies anciennes d’une grande valeur.


EXCURSION A DJEWILISK. – VOYAGE A KARATCHOUKOUR.
VIII
Préparatifs de départ. - Un zaptié. - Les drogmans en Orient — Costume des paysans et des montagnards. Singulière occupation des hommes. - Triste condition des femmes.


Après un court séjour à Trébizonde, où le mauvais temps et la fonte des neiges m’avaient retenu trop longtemps au gré de ma curiosité impatiente, je profitai d’une embellie pour faire une excursion sur les montagnes voisines.

Grâce à la bienveillance de M. Derché, le consul de France, j’avais obtenu de Murhlis-Pacha, gouverneur du vilayet de Trébizonde, un boyourouldi qui